Présenté hors-compétition au dernier festival de Cannes, "The House That Jack Built" n'a pas manqué de faire scandal sur la Croisette, sept ans après sa dernière venue pour "Melancholia". En effet, plus d'une centaine de spectateurs aurait quitté la salle de projection, choqué par les meurtres perpétrés à l'écran. Attention, film interdit aux moins de 16 ans.
C'est l'histoire de Jack, un architecte serial-killer qui considère chacun de ses meurtres comme une oeuvre d'art. Il n'agit pas dans le but de faire du mal mais plutôt pour assouvir un besoin de création qui pèse en lui. Par le biais de cinq incidents, on découvre ses différentes facettes et obsessions, ses risques encourus ainsi que son désir profond de créer sa maison.
Certains crient au chef-d'oeuvre alors que d'autres sont offusqués. Moi, je ne sais pas trop quelle doit être ma réaction. Quelques idées m'ont plu mais le sens général m'a paru trop flou et l'éloge à la violence arrive vite à saturation, si bien qu'on ne sait plus pourquoi on est venu voir ce film (peut-être que c'est là son but ; nous déstabiliser face à nos attentes de spectateurs amateur d'hémoglobine). Cinéaste de la transgression, il aime détruire et bouleverser les images et dès le début, il joue avec nos connaissances du genre et nos attentes envers le film de serial-killer. Il s'agit du premier incident lors de la scène avec Uma Thurman : on sait ce qui va se passer mais on ignore quand ni comment et en cela, il interroge notre propre rapport à la violence via une malice intrinsèque.
Il vient également parsemer son film de peintures et d'images d'archives répondant aux volontés d'"artiste" de son personnage principal. Dante, Goethe ou encore l'architecte de Hitler ; on sent une volonté de vouloir justifier l'innommable et l'horreur par le vecteur de la prouesse créative. C'est comme si le film déconstruit par son montage ce que le personnage tente de construire, notamment avec les grandes discussions philosophiques de Verge, l'interlocuteur invisible de Jack. L'art vient justifier le meurtre et est ici porteur d'une morale mais on regrettera le côté auto-complaisant lorsqu'il se met à diffuser les images de ses meilleurs films pour montrer la violence fictive.
Malgré tout ces côtés apparement pensés et digne d'un cinéaste de cette envergure, on assiste à un film gore dont certaines scènes sont difficiles à avaler, extrêmement long avec des dialogues interminables. L'humour noir est l'outil propre au film et permet avant tout de prouver à quel point cet anti-héros est ridicule et bourré de TOC. Même si Matt Dillon a un côté très dérangeant, ça ne suffit pas pour trouver l'intérêt à cette violence gratuite, excessive, perverse et malsaine. Le but est peut-être de nous pousser à bout, de nous prouver notre humanité face à un excès sans limites de violence ? Ce qui est sûr, c'est que je préférais l'esthétique picturale de ses précédents films plutôt que cette nature morte brute et malade. Ah oui, et le rabâchage des images des camps d'extermination disant que ce fût le sommet d'une forme d'art, moi, je dis simplement non ! Surtout lorsqu'on sait les propos qu'a tenu le cinéaste par rapport au nazisme...
En soit, "The House That Jack Built" provoque quelque chose en nous et sa mission est réussie. Mais n'allons pas appeler chef-d'oeuvre un film aussi macabre, auto-suffisant et répétitif...

alsacienparisien
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le 27 oct. 2018

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