Complaisant et vain, Von Trier ne choque plus personne et tourne en rond avec ce film lassant.

Lars Von Trier cinéaste provocateur. Lars Von Trier cinéaste nihiliste. Lars Von Trier cinéaste misanthrope. Lars Von Trier cinéaste complaisant. Lars Von Trier cinéaste négationniste. Mais, surtout, à plusieurs reprises à travers sa filmographie, Lars Von Trier cinéaste brillant. Sa carrière est en dents de scie et ses films sont clivants. Souvenons-nous de « Dancer in the Dark », palmé à Cannes mais bien trop versé dans le pathos, ou de son diptyque cru, jusqu’au boutiste mais fascinant sur la sexualité féminine nommé à juste titre « Nymphomaniac ». Mais il y a toujours du propos et matière à débat dans ces œuvres et c’est qui les rend intéressantes. Néanmoins, on sait très bien que le cinéaste danois aime à choquer et bousculer les conventions du cinéma. Formellement, comme le prouve la création du Dogme 95 duquel sont nés « Breaking the Waves » ou le magistral « Dogville », et thématiquement comme ici avec son portrait d’un serial-killer qui lorgne un peu trop vers « American psycho » qui n’était pas des plus réussis.


« The House that Jack built » propose donc, à travers cinq chapitres représentant cinq crimes, de brosser le portrait d’un anti-héros puisque tueur en série cruel et dénué de morale. Si le film est parfois très violent, et gratuitement (ce sein découpé ou cet enfant empaillé), il n’est pas insoutenable grâce à un second degré parfois salvateur (le côté maniaque de Jack) et un humour noir bienvenu mais pas vraiment drôle. Pour mettre un contre-pied aux agissements de ce serial-killer qui considère chaque meurtre comme une œuvre d’art, Von Trier lui adjoint en voix off entre chaque partie des discussions avec Verge, son passeur vers l’Enfer à sa mort. Ces dialogues avec ce personnage joué par Bruno Ganz cristallisent toute l’œuvre du cinéaste jusqu’à l’auto-citation (on voit des extraits de ces propres films par exemple) et des récurrences de son œuvre comme le Mal en chacun de nous ou une certaine misogynie. Parfois intéressants, parfois trop triviaux, ils permettent néanmoins d’oxygéner un peu ce postulat malsain.


Ni aussi déplaisant que « Antichrist », ni aussi réussi formellement que « Melancholia » ou thématiquement que le « Nymphomaniac » cité plus haut, « The House that Jack built » s’apparente au un chant du cygne d’un cinéaste qui tourne un peu en rond mais qui nous propose parfois des fulgurances dans sa mise en scène comme dans la manière de traiter son sujet. C’est imprévisible et certaines scènes sont quand même sacrément barrées (et donc jouissives) mais tout cela s’étire bien trop en longueur au point d’en devenir prétentieux et complaisant et c’est à la limite de la redondance. Quant au dernier acte, plus allégorique, il dénote un peu trop du reste et semble être le testament d’un auteur revenu de tout. Il y montre toute sa maestria visuelle dans certains plans qui rappellent les tableaux de Dante, mais s’éternisent à n’en plus finir. Le constat est donc mitigé mais la cruauté dont fait preuve le cinéaste dans sa filmographie et dans les sujets qu’ils traitent n’aura que peu d’égal contemporain (Haneke peut-être). Ce long-métrage est donc tout aussi répulsif que passionnant sur certains aspects mais bien trop long et surtout sa cruauté ne mérite pas toujours qu’on s’y attarde. Lars Von Trier, cinéaste dépassé ?


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JorikVesperhaven
5

Créée

le 18 oct. 2018

Critique lue 361 fois

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Rémy Fiers

Écrit par

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