Voulant rattraper mon retard sur les sorties de la fin de l'année dernière, et en grand adorateur du cinéma de Lars Von Trier : c'est donc naturellement que j'ai lancé ce film.
J'avais beaucoup aimé Melancholia mais là c'est un niveau au dessus.

Ce qui est évident dans ce film c'est que LVT n'hésite pas à choquer le spectateur, à le mettre dans une sorte de dualité dans certaines scènes, en nous montrant le parcours macabre de son protagoniste, mais en même temps en nous montrant ses faux pas et ses TOC ainsi que sa stupidité. Jack joue avec ses victimes comme le metteur en scène joue avec son spectateur : on ne sait pas si on doit se prendre de pitié pour lui, si on doit l'encourager, ou au contraire le haïr au plus haut point. Car on aura beau dire que ses actes sont amoraux, cela ne nous empêche pas de ressentir de la tension pour lui lorsque qu'il passe entre les mailles du filet des policiers, cela ne nous empêche pas de ressentir un temps soi peu de l'empathie pour lui lorsqu'il verse une petite larme de mélancolie, lorsqu'il est en proie à ses troubles obsessionnels ou à ses nombreux problèmes mentaux.

Mais le réalisateur ne fait pas que jouer avec son audience, il joue aussi avec ce qui se montre et ce qui ne se montre pas. Il ose filmer ses meurtres les plus atroces soient ils, mais en plus de ça il filme les cadavres, il joue avec eux comme il joue avec la morale : il montre ce qui est censé être en hors-champ. Il ne choisit pas la solution de facilité, il ne nous fait pas la morale non plus, ne nous en impose aucune, à aucun moment il a un jugement sur les actes de Jack, non, il laisse le spectateur juger de ce qui lui semble bon ou mauvais, de ce qui lui semble moralement acceptable ou pas.

Mais il y a aussi une dualité dans la manière de filmer. D'un côté il y a la caméra à l'épaule, classique de ses films, mais de l'autre il y a les magnifiques plans fixes comme sur la représentation grandeur nature de La Barque de Dante de Delacroix. Et justement, Lars Von Trier est un homme de culture et il le montre, il ne l'étale pas narcissiquement, il l'utilise au service de son récit, au service de son audience, dans le but de lui faire découvrir des œuvres qui lui sont chères. Il cite La Divine Comédie au travers de son personnage secondaire qui discute avec Jack, Virgile (nommé "Verge" dans le film) et au travers de sa fin où les deux hommes visitent ensemble l'enfer en traversant ses Sept Cercles. Côté musique, il cite Glenn Gould qui joue du Bach, David Bowie, Vivaldi, Wagner, et on a même le droit à un surprenant Hit the Road, Jack en guise de générique de fin.

Mais il ne fait pas que citer, il réfléchit aussi.
Sur ces anciennes œuvres, sur la vie, sur la mort, sur la morale. Il y a aussi un passage où il parle d'Hilter, où il réfléchit sur ses actions, en sorte de réponse à son exclusion temporaire à Cannes lors de la présentation de Melancholia, où il avait dit comprendre Hitler, seul dans son bunker. Mais bon la presse souhaite toujours en faire le plus possible, en le traitant de nazi, de misogyne et de je-ne-sais quel autre accusation ridicule et infondée. Mais je m'égare en parlant de ça. Il critique aussi la société, notamment lors du passage avec Simple, où Jack encourage sa victime à crier et crie même avec elle pour lui montrer qu'elle a beau être dans un immeuble, qu'elle a beau avoir des voisins, personne ne viendra l'aider.
"Nobody wants to help !"

The House That Jack Built est donc un très grand film, intelligent, très bien fait et qui pose des questions intéressantes.

JeanFoutre
9
Écrit par

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le 15 sept. 2019

Critique lue 90 fois

1 j'aime

JeanFoutre

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