The Humbling
5.3
The Humbling

Film de Barry Levinson (2015)

Voilà qu'après Birdman sort un film très similaire qui explore les mêmes troubles et thématiques mais de manière relativement différente. Néanmoins la gémellité est bien là ce qui est un peu en défaveur de l'oeuvre de Levinson qui n'atteint pas la grâce technique de l'oeuvre d'Iñárritu ni l'aspect métaphysique et onirique du Black Swan d'Aronofsky dans le même registre. Pourtant le film malgré ses défauts parfois vraiment gênant recèle des pépites insoupçonnées.


Le scénario va explorer les affres de la vieillesse avec une rare pudeur et une authenticité assez troublante car le film use habilement des jeux de miroirs. Ici l'exploitation de l'univers du théâtre est avant tout une métaphore comme pour Birdman pour parler de la perte des repères, de la folie grandissante ainsi que de la peur de l'oubli. Le film parlera avant tout de la sénilité et de l'oubli de soi, être passé à côté de sa vie et n'avoir que des ruines et des regrets. Que ce soit le scénariste, le réalisateur ou l'acteur ils ont tous passé le cap des 70 ans et parle clairement avec leurs cœurs. Loin du cynisme attendu le film parle de cet état de vie avec délicatesse et se montre relativement touchant. Comme le film le dit la vieillesse est avant tous un retour à l'enfance et dans cette optique il traitera aussi son personnage de façon comique avec ses maladresses, ses caprices et sa candeur, ce qui fait que l'ensemble n'est pas dénué d'humour malgré l'aspect tragique de l'histoire qu'il dépeint. Car ici la noirceur est vraiment présente surtout dans les hallucinations du personnage principal qui ne dissocie plus l'imaginaire du réel et qui tombe dans des visions oniriques, mélancoliques et très sombre. Ces passages sont relativement réussis par leurs aspects symboliques et contemplatifs traitant avant tous de l'identité. Parce que plus que la décrépitude physique du personnage, le film s'intéresse à sa perte d'identité, en ça l'utilisation du théâtre se montre habile mais quelque peu facile car bien trop évidente avec la notion d'acteur qui joue un autre rôle que le sien, la cassure entre la fiction et le réel ainsi que les faux semblants où la renaissance n'est permis que par la mort, quel soit symbolique ou littérale. En ça le climax se montrera assez maladroit mais salvateur, grâce à l'habile progression du personnage, le moment ce montre plein de grâces et de majestés. Néanmoins l'exercice se prêtait bien mieux pour Birdman et là on à un peu un sentiment de facilité. De plus mis à part l'excellent traitement de son personnage principal, que ce soit dans son introspection, sa décadence ou sa renaissance, le film peine parfois à faire vivre l'ensemble surtout lorsqu'il se penche sur ses personnages féminins où il expose une vision sexiste et suranné. Les messieurs ne sont plus très jeune et peine vraiment à traité des thèmes actuelles comme celui de l'identité sexuelle, à travers le personnage de Pegeen, le film veut parler d'une jeunesse qui se cherche encore et qui est quelque peu perdu mais il traite son personnage féminin de façon vraiment bancale et anti-féministe avec en fond, "pour être une femme il faut s'habiller comme une femme ", qui se montre assez déstabilisant surtout que cela laisse suggéré que les lesbiennes ne sont pas vraiment des femmes. Cette partie du récit est vraiment le gros défaut du film qui présente une vision assez hautaine de la femme mais qui paradoxalement parle avec justesse de l'insécurité masculine.
Pour ce qui est du casting, tous le monde s'en sort à merveille pour les rôles secondaires ont retiendra surtout une excellente Nina Arianda, dans un rôle irritant et assez marrant, qui s'en sort à merveille et Greta Gerwig qui parvient à s'imposer avec justesse, malgré les grosses faiblesses de son personnage, en détournant l'attention des clichés de celui-ci pour que l'on se concentre sur son jeu tout en finesse. Sinon celui qui mène le bal et qui irradie chaque plans, c'est bien sûr Al Pacino. Il est clair que le film à été fait pour lui et il se donne corps et âme dans ce rôle. Même si je doute que ce film fasse date dans la filmographie de Pacino, son rôle est probablement un de ses plus touchant et il est ici au sommet de son art arrivant à être dans une retenue insoupçonnée tout comme en allant parfois dans le cabotinage contrôlé. Il fait un vrai travail de composition jusque dans la démarche voûtée et vieillissante de son personnage qui au fur et à mesure de sa renaissance ce redresse petit à petit pour au final être droit et d'une classe imparable.
Sinon pour ce qui est de la réalisation on est dans du classique néanmoins le montage non linéaire est vraiment habile déstabilisant à quelques reprises jouant bien sur l'aspect faux semblant tandis que la photographie se montre très léchée. Par contre la musique est soit inexistante soit peu marquante, en tout cas elle met complètement sortie de la tête. La mise en scène de Barry Levinson, qui avait par le passé offert quelques films cultes du cinéma comme Rain Man par exemple, se montre assez générique. Les hallucinations qui joue sur la symbolique sont assez facile à déchiffrer et reste relativement classique même si le film connait quelques fulgurances contemplatives bien venu l'ensemble reste très classique voire même parfois un peu fade. La mise en scène manque donc cruellement d'idées et n'est là que pour filmer la performance de Pacino, en s'attardant sur son charisme animal et son regard expressif. C'est donc un travail fonctionnel plus qu'inventif, ce qui est selon moi assez dommage.


En conclusion The Humbling est un bon film, à la fois drôle et touchant qui porte un regard pleins de justesse sur le vieillissement et l'identité. Car plus que tout c'est un film sur les états d'âme d'un homme en perdition, qui embrassera ses faiblesses pour en faire ses défauts, comme l'aspect sexiste, unilatéral et vieillot, faisant que le film échoue lorsqu'il traite de la jeunesse et de l'identité sexuelle, échoue en psychologie féminine et n'exploite pas assez les personnages secondaires, ne s'intéressant qu'à Pacino. Néanmoins le film est empli de belles qualités et de fulgurances n'ayant aucun cynisme, se montrant vraiment poignant et ayant un aspect onirique et mélancolique du plus bel effet. La vieillesse n'a jamais semblé aussi désespérée et aussi majestueuse que lorsqu'elle est illuminée par un Al Pacino dans un de ses plus beaux rôles et rien que pour ça le film atteint des sommets insoupçonnés.

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le 7 avr. 2015

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Flaw 70

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