Une douzaine de citoyens américains racistes, militaristes, complotistes ou encore climato-sceptiques se retrouvent pourchassés comme du gibier par une élite richissime et « progressiste ». C’est l’idée provocatrice de The Hunt, qui malgré une violence crasse et un ton souvent cynique se pose comme un constat pertinent de la fracture profonde qui divise le monde en ce début de 21ème siècle.
Une bonne série B se définit comme un film aux moyens modestes compensés par un concept accrocheur et une réalisation astucieuse. C’est en tout point ce qui pourrait qualifier The Hunt, qui rentre parfaitement cette case du cinéma de genre subversif, posant un regard pertinent et sans concession sur la société (voir Regards approfondis no 835). Produit par la maison Blumhouse, célèbre pour ses films malins mais à petits budgets, et écrit entre autres par le talentueux Damon Lindelof (tête pensante de la série Lost), ce long-métrage n’aurait pu être qu’un vulgaire produit destiné à faire frissonner des adolescents en deuxième partie de soirée mais se révèle être une satire particulièrement acerbe sur le fossé qui sépare les « élites » de ceux qui s’en méfient.
Dès la première scène du film, le ton est donné : des riches philanthropes buvant champagne et dégustant caviar dans un avion assassinent sauvagement une de leurs « proies » qui a le malheur de se réveiller trop tôt. Ce cocktail de cynisme et de violence complaisante est particulièrement gênant. Heureusement, ce malaise est rapidement désamorcé par un propos qui parvient à être extrêmement critique sans sombrer dans la démagogie. Dégommant au passage tant les rednecks conspirationnistes que les féministes obsédés par l’utilisation du langage épicène, le film démontre assez habilement comment l’un nourrit l’autre et vice versa.
Le danger de ce genre d’exercice de style, c’est de ne proposer rien d’autre qu’un concept, une métaphore, qui ne se soucie ni de son scénario, ni de ses personnages. Pourtant, The Hunt parvient à perpétuellement surprendre le spectateur, bien que le thème de la chasse à l’homme ait déjà été exploré à de nombreuses reprises depuis Les chasses du comte Zaroff. On y brouille les pistes sur l’importance des personnages, les repères géographiques et en introduisant des fulgurantes ruptures de rythmes et de tons. S’il est vrai que la plupart des personnages sont très pauvres et peu développés ne provoquant aucune empathie, on ne peut pas en dire autant sur le rôle principal interprété par Betty Gilpin, qui parvient à transpirer une aura mystérieuse et une subtile fragilité, tout en restant extrêmement monolithique et physique.