The Hunt a envie d’être corrosif, politiquement incorrect et subversif. Sa violence cartoonesque, ses personnages-stéréotypes, son récit de survie sur fond de lutte des classes, son jeu avec les thématiques aujourd’hui à la mode – véganisme, réchauffement climatique, combat pour l’égalité entre les sexes et contre le racisme –, tout cela fait désespérément signe vers la satire, celle d’une Amérique écartelée entre sa frange intellectuelle et sa population arriérée qui débite des théories du complot sur les réseaux sociaux. Néanmoins, la satire proposée n’est fondée sur aucune lecture critique, aucun parti pris ; elle évolue vite vers un cynisme général, une complaisance à filmer l’homme dans toute sa bêtise sans jamais en proposer d’issue, dans l’espoir de faire éclater l’injustice pour qu’elle se résolve d’elle-même, par sa scandaleuse surenchère. Ce cynisme repose sur un retour à l’animalité et à la sauvagerie : un cochon devient l’effigie de cette nouvelle pratique sociale, les personnages se massacrent avec cruauté – soit le plaisir à faire souffrir – jusqu’à la parodie, conscients des situations grotesques dans lesquelles ils se trouvent. Et là, problème.
Car que le film soit joueur, d’accord. Mais qu’il recoure automatiquement au second degré et au burlesque pour se tirer d’affaire, qu’il esquive la responsabilité de ses thèmes et de ses images sous prétexte de sa friponnerie congénitale, trop facile. The Hunt prend un tel plaisir à entasser les clichés qu’il en devient un lui-même, s’attache tellement à exhiber l’inertie des actions de ses personnages qu’il tombe dans la pochade gratuite et oublie de donner à son spectateur sa propre lecture politique. Au bout du compte, quels sont les enjeux ? Non pas une thèse défendue de A à Z. Mais on ne saurait se faire politiquement incorrect sans faire de la politique. Sans le vouloir – ou consciemment, auquel cas il pèche par orgueil –, le long métrage revêt l’apparence des artefacts et des fausses nouvelles qu’il pointe du doigt. Comme l’indique Crystal à son acolyte après avoir découvert une carte dans le coffre de la voiture, soit l’organisateur du massacre joue à l’idiot alors qu’il est malin, soit il joue au malin alors qu’il est idiot. En ce qui concerne The Hunt…
Craig Zobel joue ici au petit malin ; sa provocation de type crise d’ados reste bien inoffensive ; elle ne se subordonne surtout à aucune mise en scène véritable, se contentant d’adopter des poses et des tics de réalisation à la mode dans les productions de genre. Car il ne suffit pas de citer George Orwell, encore aurait-il fallu le lire, et le comprendre.