Le premier long-métrage réalisé par Juan Antonio Bayona, le film d’épouvante « L’orphelinat » récompensé du Grand Prix et du Prix du jury au Festival de Gérardmer, lui ouvre les portes de la gloire.
Pour son deuxième essai derrière la caméra, il s’appuie sur une histoire vraie : celle d’une famille en vacances qui va vivre l’enfer à la suite du tsunami du 26 décembre 2004 en Thaïlande.
Pas besoin d’en dire plus niveau scénario, vous l’aurez compris, « The impossible » retrace le tumultueux chemin d’une famille séparée par la catastrophe.
Un indéniable choc cinématographique pour ma part ! Ou quand le cinéma (vrai) nous prend aux tripes…
Aux commandes, le metteur en scène espagnol a fait appel à des pointures pour former, au casting, la famille parfaite. Famille à laquelle on s’attache puisque le film démarre avec elle. Pour elle.
Tom Holland incarne Lucas, l’aîné de la fratrie, cet ado sur qui la famille compte. Tom, puissant et calme, démontre sa force d’interprétation. Moteur de « The impossible » grâce à sa légèreté, sa combativité face à l’adversité qu’il éprouve (père et frères disparus, mère blessée) et son courage pour retrouver les siens. Une interprétation magistrale et sans fausse note de la part du danseur britannique d’à peine 16 ans !! Meilleur jeune britannique de l’année pour son rôle, il rentre ainsi dans la cour des grands (débutant pour la comédie musicale londonienne sur Billy Elliot, il joue dans « The lost city of z », « Au cœur de l’océan » de Ron Howard, et ajoute le costume de Spiderman (« Spider-man : homecoming ») à sa panoplie). Rien à redire…
La mère de Lucas est une Naomi Watts étincelante et renversante, tout simplement dans l’un de ses meilleurs rôles. J’admire ! Amie de Nicole Kidman, Naomi s’est distinguée dans « Mulholand drive », « Le cercle » de Verbinski, « 21 grammes », « King Kong », « Les promesses de l’ombre », « Perfect mothers » d’Anne Fontaine, … .
Le personnage du père est façonné par l’acteur écossais Ewan McGregor (« Trainspotting », « Les virtuoses » de Mark Herman, « Moulin rouge » de Luhrmann, Obi-Wan Kenobi pour la trilogie des 2000’s de Lucas, « La chute du faucon noir », « The ghost writer » …) convaincant à souhait. Le couple qu’il forme avec Naomi Watts tient du roman-photo et c’est avec panache que ce duo apporte consistance et parfum charnel le plus naturellement possible. Un très beau duo d’acteurs. Belle leçon de vie. Chapeau !
Avec également Samuel Joslin (« Paddington »), Oaklee Pendergast (aperçu dans la série britannique « The missing »), qui forment avec Tom Holland la fratrie, et l’indémodable Geraldine Chaplin (si « Le docteur Jivago » a lancé la carrière de l’éternelle Madame Carlos Saura, elle aura tourné sous la direction des plus grands : Richard Lester, Altman, Lelouch, Scorsese, Almodovar, Dominik Moll, Joffé…).
Un casting trois étoiles bien choisi (Holland-Watts-McGregor) pour des seconds rôles tout en puissance (à l’image d’une Geraldine). Phénoménal. Bravo Monsieur le réalisateur !
Ensuite, pour parler photographie, je m’appuie juste sur la séquence introductive (du début dans l’avion jusqu’au tsunami, brillamment retranscrit) qui est d’une beauté saisissante mais qui s’amenuise petit à petit au détriment de l’ambiance catastrophique. Le directeur de la photographie, Oscar Faura, proche collaborateur de Bayona (« L’orphelinat », « Quelques minutes après minuit », « Jurrassic world 2 »), nous immerge tout en subtilité dans « The impossible » pour en ressortir à sec lors du rêve de fin de Naomi Watts. Dommage de sa part, mais sa caméra ne lâche jamais prise. Tant mieux. Il en reste cette impression de ballotage. Un mal pour un bien ? A voir…
Et c’est assurément cette caméra que le metteur en scène du conte fantastique « Quelques minutes après minuit » tient. Le réalisateur J.A. Bayona porte son sujet, et avec son rendu de l’horreur, nous entraine corps et âmes.
Sensations fortes, bris de verres, d’os, force du tsunami, déchirement de la famille, sentiments d’abandon et de mort… avec ce cinéma de l’extrême, il nous bouleverse, nous maintient sous tension, nous épuise, nous éreinte. Pis : il choque. Avec tact, fermeté. Et sans pudeur. Il a une autre manière de filmer l’horreur paraît-il : son talent est confirmé. Ou quand le réalisateur de « Jurassic world 2 » nous fait sa leçon de cinéma. Il nous effraie, nous terrorise et avec son réalisme pur et dur ne nous lâche jamais et nous fait vivre deux heures durant cette leçon de vie incroyablement réaliste. Bayona nous liquéfie sur place par ce calvaire qu’il filme de manière glaciale et glaçante. Ébouriffant !
« The impossible » est ainsi cet anti-Emmerich car anticonformiste quant aux classiques films catastrophes (« La tour infernale », « Le pic de Dante » …). Le cinéaste se penche sur le point de vue des victimes et sa manière viscérale et oppressante de filmer la réalité au plus près nous scotche littéralement sur place. Un cinéma anxiogène (et sans limite !) par sa dextérité à nous essouffler. Bayona ne laisse pas de place au pathos et son sens de la mise en scène se rapproche de Spielberg dans le sens où son divertissement se fait roi dans sa manière d’aborder le sentimentalisme. Un bougre d’efficacité !
Film catastrophe réaliste, le néo-spielberguien espagnol nous laisse en vie tout en rendant un vibrant hommage aux victimes des catastrophes naturelles. Ou quand le cinéaste de ‘l’impossible’ nous bâillonne sur place… !
Pour conclure, « The Impossible » (2012), succès en salles (plus de six millions d’entrées), est le deuxième long-métrage concocté par le maître de l’horreur à l’espagnole.
Chef d’œuvre terrible, saisissant et choquant du cinéaste Bayona : j’en frissonne encore…
10 étoiles sur 10.
Interdit aux moins de 13 ans et accord parental souhaitable.
PS : « The impossible » a remporté le Goya du meilleur réalisateur et le Goya du meilleur montage.
Spectateurs en manque de sensations fortes, tsunami pour un jour, Bayona pour toujours… !