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♪ In the still of the night
I held you
Held you tight
'Cause I love
Love you so
Promise I'll never
Let you go
In the still of the night ♪


C'est sur une chanson mélancolique du groupe The Five Satins que démarre le dernier-né de Martin Scorsese, via un plan-séquence nous plongeant dans les couloirs d'une maison de retraite. Dès lors, on comprend que le film sera testamentaire. On retrouve alors Bob De Niro, abîmé par le temps, le regard vide, désireux de livrer ses mémoires de jeunesse, plié en deux dans un fauteuil roulant. Dans la peau du tueur à gages Frank Sheeran, il retrouve Marty pour la neuvième fois de sa carrière. Une collaboration qui se faisait attendre depuis des lustres.



Le bref résumé



Frank Sheeran est un travailleur lambda, Vétéran de la Seconde Guerre mondiale, il travaille désormais comme livreur et se résout à quelques vols pour arrondir ses fins de mois.
Sa rencontre avec Russell Bufalino (Joe Pesci), parrain de la mafia locale, changera sa vie. Frank devient rapidement un homme à tout faire puis le garde du corps de Jimmy Hoffa (Al Pacino), patron du grand syndicat Teamsters, et l'un des hommes les plus importants du pays.


"The Irishman" relate l'ascension de Sheeran au sein de la mafia Bufalino, les liens étroits qu'il a entretenus avec Hoffa, ainsi que le climat politique qui régnait aux USA dans les années 60 (élection de Kennedy, crise à Cuba ...).



I Heard You Paint Houses



En 1973, Bob De Niro croise pour la première fois le chemin de Marty Scorsese, avec le film "Mean Streets" qui se déroule dans le quartier de Little Italy. C'est alors le début d'une collaboration fructueuse qui durera jusqu'à "Casino" en 1996. De Niro passe ensuite le relais à Leo DiCaprio, nouveau poulain de Scorsese, pour des films qui, avouons-le, sont très réussis ("Shutter Island" ou "Le Loup de Wall Street" pour ne citer qu'eux).


Mais le retour de Bobby chez Marty se faisait clairement attendre. Après avoir été annoncé en 2008, c'est finalement en 2019 que "The Irishman" a pu voir le jour. Pour rappel, la production a notamment connu des problèmes de financement et un certain Joe Pesci ne souhaitait pas sortir de sa retraite.


Le film est sans surprise très réussi. Je pense que pour bien l'appréhender, il n'est pas inutile d'avoir en tête "Les Affranchis" et "Casino", le summum de la collaboration entre De Niro et Scorsese pour beaucoup de monde. En effet, ce sont deux films qui ont marqué le cinéma des années 90. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une belle dream team y était assemblée. Pour le premier, on retrouvait De Niro, Joe Pesci et Ray Liotta. Pour le second, De Niro et Pesci étaient de nouveau réunis, avec cette fois-ci la nouvelle venue Sharon Stone. La qualité des mises en scène, les dialogues truculents, le cynisme abondant. Tous les ingrédients du film de gangsters puissant et nerveux étaient présents. Pour notre plus grand bonheur.


Avec "The Irishman", sorte de faux Chant du cygne, Scorsese prend le contre-pied de ce qu'il nous avait jusqu'à présent offert, pour signer ici une réalisation qui prend son temps, une réalisation qui joue beaucoup de la carte nostalgie. Et c'est justement ce savoir-faire hors-pair qui fait que le film fonctionne. On peut ainsi voir ce dernier venu comme la clôture d'une trilogie débutée avec "Les Affranchis" (je considère "Mean Streets" comme un brouillon). Les acteurs ont vieilli, leur réalisateur s'est assagi. Cela explique donc que la voiture ne démarre pas tout de suite et qu'on prendra son temps. Mais curieusement, plus on avance dans le film, plus on en oublie le temps qui passe. Sheeran se remémore ses actes passés. Nous, spectateurs, nous remémorons les scènes cultes des films de Scorsese. La magie opère. Elle opère d'autant plus que presque tout le monde est ici présent : De Niro, Pesci, Harvey Keitel ou encore Al Pacino (pour la première fois chez Scorsese) ... des acteurs qui ont particulièrement brillé dans les films de gangsters des années 70, 80 et 90.


Néanmoins, on pourrait peut-être reprocher au film un de-aging perfectible (je ne veux pas jeter du cognac dans le feu mais chez Marvel ça fonctionne mieux). On pourrait lui reprocher également de ne pas avoir casté Ray Liotta. Quel dommage ! Le casting aurait été définitivement parfait avec le Henry Hill des Affranchis.
Un dernier petit reproche également : aux alentours de 2h30 de visionnage, on constate une perte de rythme ... mais rien de bien grave, ça redémarre ensuite très fort et la dernière heure passe à toute vitesse.



Conclusion mélancolique



"The Irishman" est un film marquant. Le récit est mené de manière limpide et efficace grâce au chef-d'orchestre Martin Scorsese. Les personnages sont très bien développés et bien évidemment très bien interprétés. Al Pacino n'oublie jamais de pousser une gueulante et Bob De Niro n'oublie jamais d'avoir l'air grognon.


On retrouve ici tout ce qui a fait la magie du cinéma de Scorsese, à la différence près qu'on n'est plus tout à fait dans le train en marche. La frénésie des années 80 et 90 est derrière nous. On en revient alors au plan-séquence que j'évoquais plus haut. Tout sera ici question de symbolique. De Niro débite et le testament s'ouvre.


8/10.

Créée

le 1 déc. 2019

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9 j'aime

MDCZJ

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