Trop de clichés, pas assez de Ferrara
Pour l'histoire, on va faire court. Frank White (Walken) sort de prison et retrouve son équipe de blacks cockés et chauds de la gâchette. Il commence à nettoyer ceux qui le gênent : les frères Mata, des fournisseurs colombiens qui demandent trop ; Arty Clay, un espèce de rital à l'ancienne ; Jimmy Wong, qui a la main sur un stock coke de première. En face, une équipe de jeunes flics, Jimmy Clay (Caruso) et Tommy Flanagan (Snipes) n'en peut plus et essaie de tuer Frank en se faisant passer pour un gang, mais ils ratent et se font dessouder, non sans avoir tué cependant le principal lieutenant de Frank, Jimmy Jump (FIshburne). Reste un face-à-face dans le métro avec le flic qui refuse d'adopter les manières de Frank, Roy Bishop (Victor Argo). Frank le tue, mais en montant dans un taxi avec une balle dans le ventre, il se fait repérer et meurt alors que la voiture est cernée de flics.
-----------------------------------------------------
Le cinéma de Ferrara m'attire (j'ai vu "Bad Lieutnant" et "Nos funérailles"). J'admire le côté esthète de ce réalisateur, son utilisation unique de la lumière et de l'obscurité urbaines, et son goût pour les bordels remplis de putes cokées. Il y a un peu de ça ici, mais Ferrara a voulu s'essayer au film d'action, et il ne brille pas dans ce genre. Ses gunfights reposent sur des champs-contre-champs peu convaincants, les scènes d'action ne sont pas prenantes, du fait d'un rythme étrange (est-ce un parti pris ?). Ferrara brille dans les explosions brutales et sublimes de violence, au terme d'une tension contenue, comme toutes les scènes, à la fin, entre Bishop et Frank, qui sont toutes réussies. J'aime beaucoup le "bang" de Frank, alors qu'il est flouté dans la profondeur de champ. En revanche il est nul pour les scènes de poursuite.
Ce qui donne le plus un coup de vieux à ce film, c'est la comparaison avec d'autres films de gangsters comme "Heat", "L'année du dragon", ou même "Scarface". Ici, en dehors de petites fulgurances ferrariennes, on est dans l'enchaînement de clichés, et on ne comprend pas que les policiers aient tant de mal à coincer ce Walken sublime qui se déplace en personne pour buter des Chinois à l'UZI. La séquence de l'attaque de Jimmy Wong dans Chinatown est vraiment la moins réussie, avec celle où Caruso dessoude Fishburne et pleure sur Snipes mort, sous la pluie.
Le scénario pourrait en plus finir sur une note très simplette, du genre "il faut être aussi dur qu'un truand si tu veux clouer le bec à un truand", mais heureusement, dans les dernières séquences, Ferrara renoue avec son nihilisme viscéral, ce sentiment de vanité total, quasi janséniste, qui irradie dans ses meilleurs films et qui laisse si perplexe après la débauche de sensualité visuelle qu'il a à offrir.
ça ne suffit pas pour sauver le film, hélas. Les contrastes d'éclairage bleu-orange font très années 1980, et le début, avec Walken dans sa limousine, sur une reprise de musique classique au synthé, constitue un assez mauvais démarrage. Dans le casting, les flics ne sont pas très convaincants. Walken en revanche est bluffant, avec sa dégaine, ses petits épisodes de danse, et surtout, le sourire pâle de petit garçon fatigué qu'il prend parfois.
Un Ferrara light, qui s'essaie au film d'action non sans emboutir au passage quelques clichés malencontreux.