Intronisé navet de la compétition officielle du Festival de Cannes 2016, The Last Face est un film mort-né. Dès sa première projection, le verdict à été sans appel, un film honteux, répugnant et qui exploite la misère humaine au nom d'une vision suprématiste et ignorante hollywoodienne qui utilise la guerre pour emballer une niaise histoire d'amour. Une haine unanime qui attise cependant une curiosité maso de voir l'étendue des dégâts. Surtout que le film est réalisé par Sean Penn qui n'avait pas connu de faux pas jusque là et qui a offert de très bons morceaux de cinéma comme The Indian Runner ou Into the Wild en passant par The Pledge. 4 films réalisés avant ça et 4 réussites donc qu'a-t-il pu se passer pour que The Last Face soit autant une catastrophe ?


Dès le départ, le carton d'ouverture qui présente la guerre au Soudan et au Liberia, là où se déroule la majeure partie du film, se révèle problématique. Mettant sur un pied d'égalité la brutalité de la guerre à l'amour impossible entre un homme et une femme. Déjà que comparer la guerre et sa violence à l'amour est extrêmement déplacé mais pourquoi l'amour entre un homme et une femme ? L'amour de deux femmes ou de deux hommes n'est-il pas aussi légitime ? Tout les problèmes du film peuvent être résumé par ce simple carton d'ouverture, qui brille par sa naïveté. Car il ne cherche pas à être irrespectueux ou déplacé, il brille simplement par sa sincérité ignorante et c'est peut être pire car on est face à un film qui parle de choses qu'il ne comprend pas et ne cherche pas à comprendre. L'exploitation de la misère humaine, la dépossession de la souffrance des opprimés qui ne s'incarne ici que par le regard des riches occidentaux et etc. Tout ça n'est pas voulu par ce film, qui n'est pas machiavélique mais juste terriblement maladroit.


Contrairement à ce que l'on a pu lire, le film n'est pas délibérément répulsif dans son portrait, il n'est pas volontaire dans son opportuniste, il s'appuie sur les meilleurs intentions du monde mais comme l'on dit sur les bonnes intentions, elle pavent le chemin qui mène à l'enfer. Car ici l'enjeu principal sera le couple formé par Javier Bardem et Charlize Theron, pas le conflit qui prend des milliers de vies dans le pays où se déroule le film. La souffrance ne s'incarne qu'à travers se couple, les rebondissements, le drame et etc ne passe qu'à travers eux au point de tomber dans un final empli de malaise tellement le message que véhicule le film est vicié mais que celui-ci ne semble pas s'en rendre compte. Et c'est comme cela sur beaucoup de passages du film qui vient réduire le malheur humain en toile de fond d'une amourette adolescente et mal écrite. Car même l'histoire d'amour que le film tente de dépeindre n'est pas convaincante. Les dialogues sont risibles de nullités et le tout s'impose par son extrême lourdeur mais c'est la psychologie déplorable des personnages qui choquent le plus. Il ne fait aucun doute que les médecins qui opèrent dans ce genre de conflits trouvent une idylle pour palier à la violence de leurs quotidiens, l'histoire de The Last Face a déjà du avoir des précédents mais c'est la manière de traiter l'histoire qui se révèle dérangeant notamment à travers ceux qui l'incarne. Montrer l'amour malgré la mort aurait pu avoir un certain intérêt si les personnages féminins n'étaient pas totalement réduites à ça. Les deux seuls personnages féminins à avoir un minimum de développement ne sont réduites qu'à des groupies du médecin charismatique qui peut tous ce permettre car il est irrésistible. Le film en devient très sexiste dans sa vision du couple avec l'homme quasiment irréprochable qui se sacrifie, lui et son amour, pour la cause à laquelle il croit alors que la femme n'est que l'amoureuse transie qui ne se définit que par lui, ou dans une moindre mesure à son père.


Dès la première voix-off du film, elle parle de son père, s'identifie à lui, elle explique clairement qu'elle est son héritière et qu'elle est ce qu'elle est grâce à lui mais qu'elle tente de s'affirmer pour ne pas être la "fille de". Sauf qu'elle ne va s'affirmer qu'à travers l'homme qu'elle aime, disant bien : "Avant de le connaitre je n'étais que l'idée de moi-même, je n'existais pas". Ce rapport de la femme par rapport à l'homme est totalement gerbant et pour le coup voulu par le film car il lui donne souvent le rôle de la "méchante incompréhensive", notamment à travers la scène où le personnage de Bardem l'humilie gratuitement alors qu'elle avait tout les droits de lui en vouloir. Et ce constat n'est pas vraiment aidé par le casting, Charlize Theron jouant bien trop souvent son personnage comme l'amoureuse aveugle qui regarde son homme la bouche entrouverte et les yeux rêveurs. Même si elle arrive ici et là, à trouver la justesse et transcender l'écriture nauséeuse de son personnage. Par contre, Javier Bardem est très bon. Il transmet bien les nuances de son personnage et arrive à le rendre aussi attachant que détestable. D'une certaine manière il laisse plus entrevoir les défauts de son personnage par la justesse de son jeu que ce que l'écriture imposait. Le reste du casting par contre n'arrive pas à suivre la cadence, Adèle Exarchopoulos reste dans la prestation vénère qui la caractérise, elle ne fait pas évoluer à son jeu et n'est pas aidée par un personnage honteusement écrit. Mais la palme revient à la prestation totalement dépassée de Jean Reno qui ne sait pas ce qu'il fait là et qui récite ses lignes sans la moindre conviction.


Après tout n'est pas à jeter dans The Last Face. Visuellement le film se montre très abouti, en grande partie par la sublime photographie de Barry Ackroyd qui apporte un cachet indéniable à l'ensemble. Et par le passé, Sean Penn à déjà prouvé être un metteur en scène attentif et certaines scènes sont saisissantes par leurs sens du détail et du réalisme, la reconstitution des moments de guerres, des blessures et des opérations sont impeccables et donne un côté très crue et consciencieux sur le plan technique. Le film est très beau à regarder et fait preuve d'un savoir-faire dans la mise en scène, certains plans sont très travaillés, les mauvaises langues pourront dire que cela fait pub télévisé, mais c'est un style vers lequel Penn se tourne depuis Into the Wild. Il a une manière très esthétique et naturaliste de vouloir filmer ses pamphlets humanistes, se rapprochant du cinéma de Malick sans en atteindre la grâce mais bénéficiant d'une certaine maîtrise. Il y a aussi de bonnes idées ici et là, notamment dans certains passages quand il floute le décor pour que seuls les deux personnages apparaissent nette au milieu de la foule, symbolisant leur union ou encore avec certains plans très travaillés et qui marque la rétine. Dommage qu'il se contente de passer en boucle la même chanson des Red Hot Chili Peppers pour faire sa B.O., se qui se montre vite agaçant.


The Last Face est sans aucun doute un mauvais film. Maladroit et involontairement déplorable sur le plan moral, le film n'est qu'une accumulation de moments gênants et de malaise qu'il ne contrôle pas. Le fait que ce ne soit pas voulu n'est pas excusable mais tant à nous rendre désolé face à autant d'ignorance et de complaisance dans cette vision que le film transmet. Pour autant, l'érigé comme la plus grosse insulte de l'histoire du cinéma est un peu exagéré, la maladresse est un défaut mais pas un des plus graves surtout que ceux qui ont été les plus virulents sur le film ne sont pas nécessairement les mieux placés pour s'imposer en objecteur de conscience, surtout qu'ils se retrouvent dans la même position qu'ils reprochent au film, parler de quelque chose qui ne les concernent pas et qu'ils ne comprennent pas. Donc pointer les défauts évidents du film est une chose, mais le faire correctement en est une autre car même si la démarche se fourvoie et devient ratée, elle reste sincère et loin d'être malfaisante. La seule chose de vraiment répugnante est la vision misogyne du couple, et pour le coup c'est bien trop appuyé par l'écriture lourde et souvent ridicule. Mais tout n'est pas à jeter, la réalisation reste maîtrisée et souvent très belles tandis que les deux acteurs principaux arrivent par moments à avoir leurs moments de grâce.

Frédéric_Perrinot
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le 13 janv. 2017

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