Le choix en aura certainement surpris plus d’un : cette année, le Festival del Film de Locarno s’est ouvert sur un film de zombies. Certainement plus motivée par le casting que par son genre, la sélection de The Girl With All The Gifts, que les spectateurs de la Piazza Grande ont pu découvrir en première mondiale, est toutefois bonne à prendre. D’autant plus que, fidèle à la tradition lancée par George A. Romero, le film de Colm McCarthy se veut très politique. Une orientation clairement confirmée par les propos qu’a tenus l’équipe en conférence de presse et en interview, où nous avons pu rencontrer Mike Carey, auteur du roman et de l’adaptation, la très jeune actrice Sennia Nanua et Gemma Arterton.


Conséquence positive de la prolifération de films de zombies : la quête d’originalité force désormais la radicalité. Depuis l’explosion de popularité qu’a connu le genre suite au succès de 28 jours plus tard (Danny Boyle, 2002), rares sont les films qui sont parvenus à se distinguer. Au manque de talent s’est souvent ajouté l’écueil de la répétition flemmarde d’une formule lucrative ou celui la frilosité. En effet, dans un genre où violence physique et psychologique semblent aller de soi, certaines images sont restées extrêmement rares car jugées trop choquantes. Parmi elles, la représentation d’enfants zombies fait figure de tabou suprême. Si Romero osa filmer une enfant zombie dans une scène mémorable de La Nuit des morts-vivants (1968), l’idée n’a ensuite été que très rarement exploitée et s’est encore moins souvent retrouvée au coeur d’un scénario, à moins d’être absolument désamorcée par l’humour comme dans Cooties (Jonathan Milott et Cary Murnion, 2014). On se souvient encore des réactions à la vue de la gamine transformée dans l’épisode pilote de la série The Walking Dead. Quel meilleur moyen de faire comprendre que le show sera adulte et ne fera aucun compromis ? Plus violente encore a été l’indignation suite à la publication d’un shooting photo mettant en scène des enfants rejouant des scènes de la série.


Dans ce contexte, on redoutait que l’adaptation de The Girl With All The Gifts se voie amputée d’une bonne partie de la violence contenue dans le livre de Mike Carey. Et pour cause, à l’origine du roman se trouve une nouvelle proposée dans le cadre d’une anthologie de textes fantastiques ayant pour thème commun « l’école ». Voilà comment est née l’idée d’un futur dystopique dans lequel une infection fongique transforme les gens en morts vivants se nourrissant de chaire humaine. Fait étrange dans l’univers imaginé par Carey et originalité bienvenue pour nous : certains enfants, bien qu’atteints par l’infection, parviennent à préserver leurs capacités mentales lorsqu’ils sont rassasiés. Essentiels à l’élaboration d’un vaccin, un groupe d’enfants se retrouvent ainsi enfermés dans une base militaires où, enchaînés afin de prévenir un éventuel sursaut d’appétit, ils suivent les cours de Miss Justiniau entre des séries de tests.


En faisant des enfants les principaux vecteurs de menace, Mike Carey rendait son histoire difficilement adaptable telle quelle. Comprenez : voir des élèves âgés de dix à douze ans, en uniforme de prisonnier orange, têtes et membres attachés sur une chaise roulante, commencer à perdre leurs moyens et à agiter frénétiquement les mâchoires à chaque fois qu’un être vivant passe un peu trop près de leurs narines, ça a de quoi indigner le gardien de la morale. Voilà l’innocence transformée en monstruosité. Heureusement, l’écriture du scénario de l’adaptation a été confiée à Carey himself, ce qui rend cette dernière particulièrement fidèle et donc, particulièrement violente. Dans le film de McCarthy, nous retrouvons ainsi Mélanie (la très jeune Sennia Nanua), cette fillette aux capacités intellectuelles surdéveloppées, mais qui n’échappe pas à la fatalité de sa condition. Malgré sa gentillesse et sa sagacité, son cerveau n’en demeure pas moins dominé par le champignon qui l’infecte.
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Cygurd
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le 12 août 2016

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