Excellents décors, hypothèses stimulantes, parti-pris instables / - 'fun' que le zombie-movie moyen

Les fictions à base de zombies ou de catastrophes épidémiologiques osent rarement accepter la situation en ce qu'elle engage de définitif ; même des œuvres brillantes préfèrent s'en tenir au présent, voire s'y attachent exclusivement. Dans The Last Girl, le monde a changé mais un futur qui ne soit pas qu'à base de survie et de régressions est envisageable – avec ou sans la maladie. La maladie cryptogamique (ou fongique) est responsable de la mort de millions ou milliards de personnes, soit ; elle pourrait servir une mutation de l'Humanité plutôt que sa simple extinction. Bien que jamais reconnue par les personnages, une stabilité future avec des zombies-humains apparaît envisageable tout le long des découvertes et des discussions. La protagoniste, Mélanie (autour de 10 ans), appartient à la seconde génération exposée au fléau – née de contaminés, elle a les 'appétences' de zombies, reste dotée des caractéristiques humaines ordinaires pour le reste. Ses sujets sont donc développables, éducables.


Ce film au titre franglais très inutile confirme que les zombies peuvent avoir un superbe avenir au cinéma et encore se diversifier. The Last girl n'est pas le produit de remplacement pour fans de Walking Dead en attente de la prochaine saison (ce qu'a été brillamment World War Z). C'est bien un produit de synthèse réussi, avec des nuances, des originalités à la marge et des ouvertures. Il ne s'égare pas dans les fioritures ou promesses sans suite. En contrepartie, il n'a pas le temps pour aller très loin ou renforcer ses hypothèses ; dans le plan final, les principes l'emportent sur la vraisemblance (le résultat a le mérite d'éviter la banalité). Il est attentif à la morale et aux sentiments, peu dans l'émotion – ce registre est laissé au personnage de Gemma Arterton, dont les débordements valent pour ce qu'ils retardent ou provoquent, non pour eux-mêmes.


Sa vision du 'plus grand bien' est plus facile à communiquer devant une foule que celle de la scientifique, différemment responsable et visionnaire. La situation du docteur Caldwell (Glenn Close) face aux militaires renvoie au Jour des morts-vivants (1985) – sans le goût des contrastes grotesques propre à Romero et aux séries B de ce temps-là. La tribu d'enfants dans le dernier tiers peut évoquer une digression sauvageonne des Révoltés de l'an 2000 ou un héritage très trash de Sa Majesté des mouches. Ces enfants livrés à eux-mêmes forment des groupes d'animaux vivaces, grognent, sont menés par leurs instincts – et encore pourvus des quelques avantages logistiques d'une carcasse d'Homme. Cet échantillon de vivants en déshérence pose le challenge (politique et 'humain' pour les gens porteurs d'espoirs sans fondement rationnel) ; le film ne cherche pas à faire dans l'insolite à travers eux.


Inspiré du roman récent (The Girl with all the Gifts – 2015) d'un nouvelliste (Mike Carrey) travaillant pour Vertigo et les Marvel Comics (et ré-éditant le scénario pour cette adaptation), The Last Girl satisfait les attentes en gore ou en action sans en avoir le culte. Seul aspect purement spectaculaire et donc un peu 'gratuit' à son compte : les créatures contaminées. Ces infectés courent très vite, s'immobilisent comme les troupeaux sous hypnose de Silent Hill et forment des masses compactes comme dans 28 weeks later. Le film ne fonde pas sa valeur sur eux, à raison car il serait forcé à la surenchère, dont il n'a peut-être pas les moyens. Sur la stricte forme, l'ensemble penche vers l'irréprochable, le travail d'ambiance est discret et efficace, les décors éloquents et parfois mémorables. Ces qualités associées à tout ce qu'agite intellectuellement le film compensent certaines ambiguïtés dans le déroulement (avec certains détails techniques ou psychologiques – qui ne vont jamais jusqu'à choquer de manière flagrante même pris isolément et pourraient se justifier par des raisons 'internes', focus justement sacrifié). Les spectateurs avides de sensations devront plutôt se tourner vers Dernier train pour Busan.


La séance est quelquefois prévisible, relativement aux événements (risques encourus par les individus, pas nécessairement sous l'emprise de l'émotion) ou aux ingrédients spécifiques de ces 'voraces' (dans la VF de Walking Dead, ce sont les 'rôdeurs', dans la VO ils auraient des dizaines d’appellations mineures). Heureusement elle ne reste jamais en plan. Les personnages ne sont pas nécessairement brillants ou attachants mais les interprètes excellents, parfois sensiblement à contre-courant de leur costume générique. Les spectateurs ont souvent relevé les correspondances du film avec le jeu-vidéo Last of US, à cause de la végétation envahissant le monde urbain abandonné et pour la gamine comme potentielle rédemptrice dans tout ce bazar. Cette prolifération du champignon de l'apocalypse rappellera également à un public plus restreint le roman L'immonde invasion de la collection française des 'Gore' (une belle pantalonnade avec un 'héros' loser formidable, parue en 1988, se déroulant également en Grande-Bretagne).


https://zogarok.wordpress.com/2017/10/21/the-last-girl-celle-qui-a-tous-les-dons/

Zogarok

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