Avec moi, The Laundromat partait en terrain presque conquis, en raison d'une part de son casting (notamment Gary Oldman, Antonio Banderas et Meryl Streep; oui je sais c'est classique mais ils sont cool, que voulez-vous), mais surtout d'autre part de son sujet: les Panama Papers, un des gros scandales de ces dernières années impliquant de grands noms politiques, sportifs, culturels ou autres ayant tous eu la même bonne idée, soit mettre en place un système nébuleux de sociétés écrans dans des paradis fiscaux afin de garder leurs tunes bien à l'abri des méchants impôts. Écrit par Scott Z. Burns, notamment déjà au travail sur The Informant (avec, déjà, Soderbergh à la réalisation, abordant le thème du Whistleblowing) et le récent The Report (racontant le travail sur le rapport qui révéla les pratiques de torture américaines post-11 septembre), l'engagement idéologique du film promettait d'être à tout le moins intéressant


Steven Soderbergh a choisi d'aborder ce sujet de manière éducative, un peu à la manière de The Big Short d'Adam McKay sur la crise des subprimes, avec deux narrateurs (Oldman et Banderas, incarnant les avocats de Mossack & Fonseca) expliquant le système au spectateur régulièrement. Et c'est là le plus gros reproche qui j'ai a faire au film: on est régulièrement mis face à ces deux personnages en train de nous éduquer face caméra. J'ai conscience que le défi qui consiste à faire comprendre à des profanes une arnaque justement faite pour être nébuleuse et difficile à saisir même pour des experts soit particulièrement relevé. Mais si j'ai envie de m'instruire sur le fonctionnement d'une telle entourloupe face à un écrant, mieux vaut aller sur YouTube matter une vidéo de 10min avec des schémas explicatifs colorés. Or en l'état, The Laundromat est un film, et, selon moi, il ne devrait pas remplacer un cours de droit fiscal international, mais en raconter une histoire.


C'est ce qui est particulièrement décevant, car le discours porté par le film est parfaitement à propos. Il cherche à montrer l'impact que cette arnaque mondiale a, de différentes façons et à différents degrés, sur les honnêtes gens, notamment: une vieille dame qui a perdu son mari dans un accident de bateau et qui ne touchera aucune assurance (Meryl Streep) et une jeune diplômée qui voit son père tenter de la faire taire sur sa relation extra-conjugale en lui offrant l'unique action au porteur d'une société écran. Problème: parce que les avocats ripous reviennent constamment pour nous rappeler leur fonction première de remplacement de Traité de fiscalité internationale (ce qui est bien dommage d'ailleurs, leur interprétation, surtout dans les scènes diégétiques, procure un fun certain), on n'est jamais impliqué dans ces destins individuels et ils perdent ainsi toute utilité et toute force évocatrice. Au final, on se retrouve donc devant deux personnages qui nous expliquent tout pendant que les autres ne servent à rien.


Le film aurait gagné à insérer ces explications, d'une façon plus harmonieuse, dans son récit, afin de ne pas à chaque fois casser le rythme et briser le 4ème mur grossièrement.


La fin du film symbolise cette prise de position idéologique: ce sont ces citoyens moyens, au travers de la figure du lanceur d'alerte ayant publié les fameux Papiers Panaméens, qui sont les ultimes gardiens d'un fonctionnement idéalement juste de la société. Puisqu'on ne peut apparemment décemment pas compter sur les puissants pour sauvegarder les intérêts du plus grand nombre, cette affaire ayant montré que la virginité de leur porte-monnaie passe avant, Monsieur et Madame Tout le Monde doivent veiller. Le film appelle à être curieux: non seulement nous devons essayer de comprendre les techniques mises en place (bien qu'il le fasse maladroitement, cela reste quand-même tout à son honneur) pour nous enfiler, mais également les dénicher.

fcbat
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le 27 nov. 2019

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