Bienvenue dans l'imaginaire dantesque des frères Eggers. Sorti à peine de la séance de The Lighthouse, je suis soulagé, heureux d'avoir assisté à cette séance. Porté par deux magnifiques acteurs, cette œuvre est une magique fusion entre une épopée Hitchcockienne et un mélange transcendant de Shutter Island et Shining, pour ne citer que les classiques.


Dans un premier temps, nous avons parlé d'un mélange de genres cinématographiques. Ce qui peut, vous mener directement aux propos qui suivent. Deux gardiens de phare se préparent à vivre quatre semaines sur un rocher des îles britanniques à la fin du XIX ème siècle. Le premier, âgé et doué de son expérience dans ce genre de situation semble rapidement s'adapter à ce périple hors de la société. Le deuxième lui, jeune et novice, tente bien que mal de résister aux penchants alcooliques de son compagnon et à ce nouveau rythme de vie. Car pour ce dernier, cette expérience a une seule vocation : gagner de l'argent. Les bases sont posées, il ne reste qu’à observer lentement le déchirement que nous attendons tous. Car, en effet, seulement après plusieurs jours / semaines de dur labeur, la fatigue pèse et les questions émergent. Qui sont ces hommes et que savons-nous d'eux ? Absolument rien, à part les quelques détails que j'ai énumérés juste avant. Mais le fait est que nous ressentons ce que ces deux hommes à l'écran ressentent. C'est donc à force d'être confronté au même train train quotidien, aux mêmes corvées désagréables, que les doutes explosent, que la forte consommation d'alcool force à se confier sur des révélations particulièrement fragiles. Face aux questions laissées sans grandes réponses, face à la tournure prise par certains dialogues, la folie prend peu à peu le dessus sur la raison. C'est alors à cet instant précis que le spectacle, déjà magnifiquement bien amené, peut commencer.


Deuxièmement, le film surprend et même satisfait par son format original filmé en noir et blanc. Ce format ici présent s'apparente à ses ancêtres nés au début du XXème siècle, et nous rappelle à quel point le cinéma est une expérience à vivre, un instant à saisir dans une salle plongée dans l'obscurité où tous nos sens sont éveillés. Cette démonstration rocambolesque est régie par une luminosité forte doucement travaillée à l'écran. Mais ce qui offre satisfaction c'est cette utilisation sonore. Grâce à elle nous entendons la nature se déchaîner, les dialogues prendre leurs importances, le cri des mouettes retentir tout autant que les sirènes hurlantes. Tout est parfaitement maîtrisé pour offrir un spectacle qualitatif et créer une atmosphère de plus en plus inquiétante. Les répétitions enchaînées de ces sons, pour la plupart du temps hors champs, créent une angoisse de plus en plus concrète. Ce sont ces renouvellements et cette augmentation viscérale sonore qui jouent sur notre vision du film et sur ses personnages. Offrant en matière et nous laissant la certitude que cette expérience ne se révèlera pas si douce que cela.


Enfin, The Lighthouse draine, à sa façon, la manière dont l'être humain s'accommode à un certain genre de situation, de quelles façons il peut s'adapter et tout ce qui en découle. A cela nous pouvons retenir que ce long métrage offre une excellente expérience visuelle et sonore teintée de questionnements multiples. Mais de plus il offre matière à réfléchir sur le comportement humain. Une affaire globalement bien menée car nous en ressortons la tête remplit de questions. Il ne me reste qu'à saluer ce duo de fin d'année, où tous deux nous offre une interprétation remarquable.


Livré à sa lanterne, l'homme tout aussi borné que son orgueil refuse de partager. Cette curiosité malsaine mène ainsi à délirer. Mais qui est assez raisonné pour croire que l'humain est aussi simple à anticiper ?

PolDoe
8
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le 13 janv. 2020

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