Entre onirisme et réalité

Inspiré de vieux carnets de gardien de phare ce film nous fait naviguer entre deux eaux.
D'une part le réalisme du quotidien d'un gardien et de l'autre les vieux contes des marins: sirènes, réincarnation des hommes de mers en mouettes et monstres des bas fonds.
Il s'agit de l'histoire de deux hommes qui se partagent de manière inégalitaire les tâches de l'entretien du phare. Le nouveau étant assigné aux plus ennuyeuses, frustré de ne pouvoir accéder à l'étage supérieur: la lumière que l'ancien s'approprie égoïstement. Ils partagent leur intimité ce qui n'est pas sans vous laisser parfois mal à l'aise. Les deux hommes sont isolés, exclus du monde. Un sentiment de solitude s'installe et accroît l'atmosphère lourde de ce mode de vie noyé dans l'alcool. On assiste à la descente aux enfers des deux personnages. Difficile de savoir lequel des deux est fou s'ils ne le deviennent pas tous deux.
C'est un chef d'oeuvre visuel qui est dépeint en noir et blanc, le jeu d'acteur est incroyable, la folie n'est pas caricaturale et le scénario crédible. Qui ne deviendrait pas fou s'il vivait avec pour seuls compagnons des mouettes et un vieil homme contant de vieilles légendes?
S'en dégage tout de même une certaine frustration. Si l'on suit celle d'Ephraïm tout au long du film, celle-ci déteint sur nous, on ressort de la salle de cinéma avec cette obsession pour la lumière, qu'a-t-elle de si envoûtant ? Voilà pourquoi ce film est une réussite, il nous transmet à merveille des émotions. Cependant on ne sait pas si on doit l'aimer tellement il est perturbant et dérangeant.