Ruth Wilson et Domhnall Gleeson.
Voilà deux acteurs que j’apprécie particulièrement en ce moment et dont je trouve les choix de carrière assez pertinents ces derniers temps.
C’était assez pour me donner envie d’aller voir « The Little Stranger » dans les salles obscures.
Et bien mal m’en a pris au final car, en tout et pour tout, à part Ruth Wilson et Domhnall Gleeson, je n’ai au fond pas eu grand-chose de plus à me mettre sous la dent.
Pire : je pense même qu’en fin de compte, ce film m’a offert deux interprétations qui, pour deux acteurs comme Ruth Wilson et Domhnall Gleeson, n’ont vraiment rien d’extraordinaires.


Et pour le coup j’en impute clairement la responsabilité au film plutôt qu’aux interprètes, car il apparait assez évident, au regard de ce qu’est globalement ce « Little Stranger », que leur prestation bien fade n’est que le triste résultat d’une direction artistique générale que, pour ma part, j’ai vraiment du mal à comprendre.
Que Lenny Abrahamson entende jouer la carte du classicisme feutré, ça je peux l’entendre.
Mais au bout d’un moment, à vouloir tout uniformiser et tout lisser sur ce modèle, il n’en ressort plus rien.
Des jeux d’acteurs à la mise en scène des événements cruciaux, tout est aseptisé.
Et si ça peut avoir du sens au regard de l’univers présenté et de la froideur du personnage principal, pour moi c’est totalement inadapté quand il s’agit d’aborder une intrigue faite d’autant de situations qui se veulent traumatisantes.
Rien n’est relevé. Rien n’a de chair. C’est désespérément illustratif.


En ce sens, la scène qui m’a le plus choquée fut le moment où Roderick met le feu à la bibliothèque. C’est censé être un paroxysme de démence, et c’est juste introduit comme un insert silencieux. L’événement qui est censé être une forme de paroxysme pour le personnage glisse au final comme une scène insignifiante, égale aux autres. Et dès le plan suivant on voit Charlotte Rampling et Ruth Wilson qui regardent le plafond noirci avec lourdeur. Une lourdeur qui ne m’a absolument pas été communiquée tant la scène précédente a été incapable d’aller au-delà de la simple illustration coquette.


...
Et c’est d’autant moins compréhensible que, vraisemblablement, le film a voulu jouer la carte d’une certaine ambiguïté, en surfant notamment sur une légère suggestion fantastique !
Comment imaginer un seul instant qu’un film réalisé et écrit ainsi puisse sérieusement glisser vers ce genre de dénouement ?
C’est si évident qu’il n’y aura pas de fantastique de toute cette intrigue !
Du coup, si le film espérait jouer de cette ambigüité là pour susciter notre intérêt, eh bah c’est totalement loupé.


Conséquence : moi, j’ai vraiment vécu la deuxième moitié de ce film comme le plat déroulement d’une évidence.
Si bien que lorsque le générique de fin est arrivé, je n’ai pas pu retenir un « bon bah d’accord… »
Ce « bon bah d’accord » qui voulait dire : « OK, donc tu n’avais donc vraiment rien sous le coude en fait. Tu as juste déroulé pendant presque deux heures une démonstration qui était déjà aboutie depuis près de la moitié du film… Rien de plus… »


Et je dois avouer que c’est assez dommage en fin de compte.
Parce que, à bien tout prendre, il n’avait pas une base si désagréable que cela ce film.
Ce classicisme feutré avait une réelle élégance et, si l’histoire avait su se faire plus riche en termes de propos, de même que si la mise en scène avait su elle aussi être plus incisive et progressive sur les moments clefs du film, on aurait pu vraiment obtenir un film sympa et efficace, sachant tirer pleinement parti de son casting de qualité.


Je me surprend même à me montrer très complaisant à l’égard de ce film, et cela malgré le fait qu’il ait gâché son potentiel.
C’est qu’au fond, il ne commet pas de véritable faute de goût.
Je ne l’ai vraiment pas vécu comme une souffrance.
Seulement voilà, d’un autre côté ce métrage manque tellement d’aspérité que j’ai du mal à voir comment il pourrait laisser des traces dans mon esprit.

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le 1 oct. 2018

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