Cinquième long-métrage de Rob Zombie, « The Lords of Salem » était attendu comme le plus fou, le plus singulier et le plus terrifiant de son barbu réalisateur : il suffit d'en juger par le pitch, convoquant rien de moins que le satanisme et la chasse aux sorcières, ainsi que la bande-annonce utilisée pour promouvoir le film outre-Atlantique, d'une étrangeté et d'une efficacité à faire pâlir d'envie l'ensemble de la concurrence. On ne s'étonnera donc pas, à l'arrivée, d'avoir effectivement affaire à un véritable OVNI, même considéré parmi la filmo de Zombie ; on se décevra cependant de constater qu'à trop vouloir jouer les outsiders, le cinéaste commet plusieurs erreurs qui empêcheront ce délire horrifique d'être pleinement accepté, même pour ses fans les plus hardcore. Donc oui, le film est très singulier, oui aussi, il serait vain de tenter de le décrire autremement qu'en faisant référence à cette Amérique profonde et paumée que Zombie aime capturer caméra à la main. Ce qu'on retrouve de son univers, c'est cette tendance à filmer le cul-terreux, à multiplier les gros plans « pris sur le vif » sur le visage de ses compères de toujours (ici : sa femme Sheri Moon Zombie, Ken Foree), cet amour d'un certain impromptu qui empêche de prévoir de quoi les prochaines minutes seront faites. Par son rythme imprévisible et ses situations abracabrantesques, « The Lords of Salem » semble parfois même vouloir renouer avec le tout premier film de Zombie, « La Maison des 1000 morts » avec lequel il partage un goût très proche pour la gratuité, pour ce privilège de l'efficacité au détriment d'une certaine cohérence générale. Sur son versant horreur, « Lords of Salem » déborde littéralement d'idées esthétiques, sonores, toutes furieusement amplifiées par l'absence d'effets spéciaux numériques qui renvoie à un plaisir de spectateur très viscéral. Le film ne faillit pas sur cet aspect ; il peut même se révéler d'une efficacité redoutable quand le cinéaste associe le dynamisme de sa mise en scène à la puissance du folklore (littéral) montré à l'écran, donnant au film des allures de documentaire underground.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc, si Zombie en même temps que préserver ses qualités s'était attaché à travailler ses points faibles, qui malheureusement n'ont jamais été aussi criants. Terrible inégalité des scènes d'abord, avec des plans utilitaires vraiment moches, filmés, puis montés un peu n'importe comment pour un résultat final disgracieux. Breaking news : Zombie est toujours infoutu de filmer des gens qui marchent ou qui bavardent, l'absence de tension ne fonctionne simplement pas et malheureusement le choix de multiplier les zones de calme porte préjudice au rythme autant qu'à l'allure générale du film. Beaucoup d'acteurs sont mauvais, par ailleurs – Sheri Moon elle-même ne brille pas toujours, femme parfaite pour son mari, actrice correcte mais pas formidable pour le spectateur. Les dialogues sont artificiels, leur mise en scène est assez cheap, il y a un manque que le réalisateur vient combler par des basculements brutaux dans cette horreur folklorique qui est son meilleur refuge. Pas de quoi se scandaliser, donc, mais l'entreprise est clairement ternie par ces petits bouts d'amateurisme qu'on ne pensait à vrai dire plus tellement revoir chez Zombie qui semblait avoir bien mûri (sa science du rythme, sa direction d'acteurs) depuis son attachant mais bordélique premier film. « The Lords of Salem » confirme sa volonté de tracer un sillon unique qui le rende incomparable au reste de la production horrifique contemporaine : il y réussit, au risque de buter sur certains vieux automatismes que certains de ses films, plus académiques, avaient réussi à éviter. A un niveau purement formel, le film est en fait d'une d'une extrême irrégularité qui fait se côtoyer le génial (cet aspect musée des horreurs vraiment impressionnant) et le très mauvais (les instants de pause, trop nombreux et ratés) faisant qu'on a parfois du mal à dire ce qui terrifie le plus. On pourra, sans doute à raison, préférer se ranger derrière les Halloween, ancrés dans un gore plus roots, mais quelque part aussi plus efficace, plus lisible, et surtout plus régulier. Bien que définitivement singulier et fascinant par bien des aspects, les sorties de route trop fréquentes de « The Lords of Salem » vers le nanar non assumé le priveront de l'aura dans laquelle baignent certains de ses camarades. Le temps, cependant, pourrait bien changer la manière dont il sera perçu car il n'a définitivement pas froid aux yeux lorsqu'il s'agit d'expérimenter.
boulingrin87
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le 14 juin 2013

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Seb C.

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