Halte aux spoilers !



C'est avec une scène d'ouverture plutôt prometteuse, ornée de plans d'ensemble et de plans généraux accompagnant une partie de chasse rythmée que s'ouvre The Lost City of Z. Je ne vous cache pas avoir eu l'eau à la bouche, car tout cela laissait présager un scénario rempli de rebondissements, d'autant plus que le travail de costume et de décor avait l'air soigné.


Je ne connaissais pas le réalisateur James Gray, n'avais lu ni vu aucun synopsis, bande-annonce, critique, article, ou autre spoiler. C'est donc en totale exploratrice que j'allais à la découverte de la jungle de la City of Z, emplie de curiosité.


Il m'a pourtant fallu moins de vingt minutes pour me demander par plusieurs fois où le film voulait en venir ; et par là même me suis-je surprise à converser avec mon amie occupant le siège jouxtant le mien de la tournure que prenait le film. D'habitude peu bavarde au cinéma, cela ne me ressemblait pas.


The Lost City of Z retrace la vie de Percival Harrison Fawcett, explorateur britannique du début du XXe siècle, qui s'est fasciné pour la forêt amazonienne, et plus précisément la Bolivie et le Brésil, territoires dont il avait le devoir de dresser une cartographie. Une fois sur place, l'homme déduit qu'il ne s'agit pas de terres vierges et inoccupées comme on a pu le lui vendre, mais bien le berceau de cultures ancestrales dont la civilisation antérieure reste mystérieuse.


C'est ainsi qu'on nous embarque dans les multiples périples du colonel Fawcett, interprété par Charlie Hunnam. A travers ces différents voyages, James Gray tente de brosser le portrait de ce personnage complet et complexe tiraillé entre son devoir de père de famille, et la volonté de laver son nom - oui parce qu'on l'envoie quand même à l'autre bout du monde dessiner des cartes sur des vieux calepins avant tout pour redorer le blason de sa famille et se faire une réputation. - Après nous avoir montré la relation particulièrement douce qu'il entretenait avec sa femme, le pauvre mec se retrouve projeté en vingt minutes de film au beau milieu de l'Amazonie avec un équipage qu'il ne connait ni d'Eve ni d'Adam, à devoir cartographier un pays dont il n'a quasiment jamais entendu parler.


Malheureusement, cet écueil se reproduit à de maintes reprises au cours du film. Le principal compagnon de route du colonel interprété par Robert Pattinson (méconnaissable par ailleurs) est la caricature de ce que l'on appelle un personnage secondaire, tant il est effacé. D'abord des inconnus, ils deviennent au cours de leurs périples - on le suppose, et on ne peut que le supposer - des complices d'exploration. Aucune clé de compréhension, aucun élément ne laisse supposer qu'ils s'entendent bien, mis à part qu'ils se sont peint la gueule avec du sang et qu'ils ont failli se faire bouffer par des piranhas. Oups j'ai failli vous divulguer les moments les plus intenses du film !


Scène familiale. Amazonie. Scène familiale (les enfants ont grandi youpi !). Pleurs. Amazonie. Scène familiale (les enfants ont encore grandi dis donc!). La guerre 14-18. Scène familiale (les enfants ont encoralkzdlqezblablaaaa... dis donc !). re-Amazonie (cette fois-ci on embarque le gosse histoire qu'on fasse du lien père-fils entre tout ça).


Le choix a été fait d'un montage chronologique, on commence en 1904 et on finit aux alentours des 1924 et des brouettes ; en somme, c'est chiant comme la pluie. Les scènes sont redondantes et les personnages n'expriment aucune empathie. Cet ensemble de procédés de distanciation place le spectateur que nous sommes en réel observateur de ces excursions, alors qu'un tel film devrait nous placer au cœur de l'action. Bordel, j'avais envie d'y croire ! D'être accroupie entre les fougères et les arbres immenses de la forêt ! Au lieu de cela, j'étais bel et bien assise dans mon fauteuil rouge de cinéma à interroger mon amie sur l'identité d'un des personnages - plus que secondaire - du film : " tu crois que c'est l'acteur qui joue Dudley mais avec 15 kilos de moins ? " Nous nous sommes ainsi données le loisir de constater que le bonhomme n'avait pas fait beaucoup de chemin depuis son rôle dans Harry Potter.


Alors je vous l'accorde, les décors sont vraiment réussis, ça pue pas le fond vert à des kilomètres, il y a quelques plans bien léchés qui sont plutôt louables, la direction d'acteurs est réussie, mais c'est tout. Néanmoins, mon attention a plutôt été retenue dans le bon sens concernant le fond anthropologique de l'histoire, c'est-à-dire la confrontation des comportements à la fois colonialistes et curieux, paternalistes et explorateurs dont faisait oeuvre l'Angleterre à cette époque. A cet égard, je suis heureuse d'avoir découvert ce pan de l'histoire qui ne m'était non inconnu mais plutôt imprécis.


La curiosité qui m'animait quant au sujet n'a pas suffi à prendre le pas sur le film. Je ne suis pas parvenue à croire une seule seconde à la passion de ce colonel, sûrement par le trop plein d'informations qui nous étaient données. Mais oui d'ailleurs, qu'est ce que vient foutre la guerre 14-18 dans tout ça ? Le film est déjà long et teinté d'allers-retours parfois répétitifs, et ils nous rajoutent une péripétie de plus qui ne sert nullement le propos du film, mis à part à décrire l'état physique réduit du colonel.


Le film manque cruellement de structure, de cohérence, si bien qu'on s'y perd. Déjà que cette aventure est par nature semée d’embûche, et que la découverte de la Cité de Z est digne de la quête du Graal, le scénariste devait nécessairement structurer davantage le propos, et différemment qu'en terme chronologique, qui dessert clairement l'histoire par ailleurs captivante. Les scènes se succèdent avec une facilité sans nom, à tel point que chaque étape donne l'impression d'une balade champêtre à travers la forêt tropicale, si bien qu'on a du mal à comprendre pourquoi les explorateurs ont été mis en garde à plusieurs reprises. Et c'est là où le bât blesse ! Le problème des biopic tant en vogue ces dernières années est de vouloir trop en faire.


Vas y ! Retrace la vie de cet illustre personnage (qui en général est bien remplie, sinon il ne serait pas connu et ne ferait pas l'objet d'un film) ! Mets-en plein la vue ! Fais pleurer dans les chaumières ! Fais rire ! Il faut qu'il soit attachant mais à la fois caractériel ! Rajoute une pincée de sel, du curry, mélange, et tu as un biopic.


En somme, ça devient juste un article filmé de Wikipédia. Vous l'aurez compris, je ne me suis inexorablement pas réconciliée avec les biopic.

Rachel_Youya
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le 24 mars 2017

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Rachel Youya

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