Sajaan est une sorte de comptable employé au service public des recommandations de Mumbai. Il connait ses derniers jours à ce poste puisqu'il prévoit de bénéficier de sa retraite anticipée.
Ila est une mère au foyer délaissée par son mari. Pour recouvrer leur complicité passée, elle lui concocte un petit plat maison pour son déjeuner, sur le conseil de sa voisine du dessus, l'invisible mais bruyante Auntie. Si l'expérience est concluante, elle la renouvellera. La dabba revient vite vide, saucée, flambant neuve. Grisée par son succès, elle se pomponne et attend bien sagement son homme, pensant avoir fait le plus dur. La réaction du mari est sans appel : "pas mal, surtout le chou-fleur". Elle n'a pas préparé de chou-fleur. Le service de livraison des dabba (les lunch-box) s'est trompé d'adresse. Il est pourtant extrêmement fiable et jouit d'une réputation inégalée dans le domaine (imaginez un taux d'erreur de 1 sur 16 millions, on ne parle plus de hasard mais de destin à ce niveau là). Pourtant c'est Sajaan qui a eu la primeur de gouter son travail. Il a tout mangé! Buuurp! Ça le change de sa gamelle de chou-fleur quotidienne. Pour le remercier de l'honneur qu'il a témoigné à son travail, la cuisinière lui écrit un petit mot de politesse et d'explication qu'elle place dans un étage de la lunch-box. S'ensuivra une correspondance régulière entre nos deux paumés qui se transformera rapidement en flirt épistolaire.

"La vie c'est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber". Remplacez boîte par dabba et chocolats par tandoori et on est bon. J'étais persuadé aller voir à une comédie romantique exotique et légère, mauvaise pioche. Si comédie romantique il y a, elle tourne court et laisse place à une réflexion assez pertinente sur le temps qui passe.

Ila voit sa vie de couple lui filer entre les doigts. Son mari entretient sans doute une relation avec une autre femme. Que faire? Le mettre face à ses responsabilités et quitter le domicile conjugale? Pour aller où? Il ne lui reste que sa mère et elle croule, depuis la mort de son frère, sous les dettes que creuse le cancer de son père. Elle rêve de partir au Bhoutan. Le rituel quotidien de la lecture et de l'écriture des lettres la préserve de la folie qui semble avoir atteinte la voisine à l'étage. Pieds et mains liés, elle n'a d'autres choix que prendre son mal en patience. Sa petite fille et l'espoir que sa vie de couple s'arrange est tout ce qui lui reste et la maintien encore debout. Trop jeune, son mauvais train n'a pas encore atteint sa bonne gare.
Depuis que sa femme est morte, Sajaan s'est aigri. Qu'il n'ait pas d'enfants n'arrange pas son cas. Il semble bien déterminé à vivre ses dernières années en "pilote automatique". Pas en Ernest Laverdure non, plutôt en Michel Tanguy, les femmes en moins. A midi il déjeune seul. Au dîner, il mange des plats réchauffés en lisant amèrement des romans. Les gosses du quartier, qui ont envoyé leur balle dans son jardin, ne s'y trompent pas. Ils le craignent autant qu'il le plaignent. Quand il sort en pyjama s'en griller une sur son balcon, la petite qui vit en face avec sa famille tire les rideaux. L'arrivée concomitante dans sa morne vie de la mauvaise lunch-box et de son futur remplaçant, qu'il est censé formé (un espèce de Cary Grant indien), éclaircit un peu l'horizon. En la première il a trouvé une confidente, dans le second un fils. Les rideaux de la maison d'en face s'entre-ouvrent légèrement. Il envisage de partir avec elle au Bhoutan et d'être le témoin et la seule famille au mariage de son remplaçant. Si ses sentiments à l'égard de Ila sont un moment amoureux, le rendez-vous qu'elle lui donne dans un café, les fane. Il s'y rend mais ne se manifeste pas : il prend conscience de son âge. Sa fragrance de grand père et l'attention qu'il suscite dans le bus n'aidant pas. Il entreprend alors de quitter Mumbai pour se retirer à la campagne. Dans le train qui doit l'emporter vers sa retraite, il échange deux mots avec un vieillard venu en ville voir son fils. C'est le coup de grâce. Il est à bord du mauvais train, mais est déjà à la bonne gare. Il rentre finalement chez lui, joue brièvement au cricket avec les gosses du quartier. Il est apaisé maintenant et a repris goût à la vie. Dans son beau costume il a fière allure : quand il va s'en griller une sur son balcon, les fenêtres sont ouverte et la petite qui vit en face le salut en souriant.

J'ai été conquis par la partie comédie romantique du film, très courte finalement, et par les deux acteurs principaux (même le Cary Grant de Mumbai est super). Mais dès qu'il glisse vers la réflexion sur l'âge, il devient assez lourd (bien qu'il soit pertinent) et ennuyeux.
blig
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le 13 déc. 2013

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blig

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