The Maker
7.7
The Maker

Court-métrage d'animation de Christopher Kezelos (2011)

Je n'ai pas le temps de dire au revoir...

Grand moment, roulement de tambour : ceci est la première critique que j'écris pour SensCritique. Les précédentes, je dois l'avouer, n'étaient que des copié-collé que j'ai fais depuis mon blog. Et je la dédierai, donc, à un film que j'ai découvert grâce à SensCritique. La boucle est bouclée, ou un truc dans le genre. Bref, The Maker.
Par où commencer ? Par la conclusion comme je l'ai déjà fais : ce film est sublime. Je l'ai regardé deux fois, et, encore une confession, j'ai pleuré deux fois. La première parce que je ne savais pas. La deuxième parce que je savais. Alors parlons scénario pour commencer. Moi qui parlais de boucle à boucler, en voici une parfaite. Un film qu'on peut regarder et regarder encore, comme étant la suite de lui-même. De quoi donner le vertige. Les faits s'effondrent chaque fois au moment où ils semblent s'expliquer, nous laissant plongé constamment dans une profonde envie de savoir. Et la fin n'est même pas décevant. Loin de là.
Le rythme est parfait. Il y a une sorte de frénésie constante du film, contrebalancée par la méticulosité de notre créateur en herbe. Comme si il y avait deux tempos dans le film, qui entrent en conflit et qui créent une tension temporelle incroyable.
Alors évidemment, en fan d'Alice au pays des Merveilles que je suis, j'ai apprécié la référence soutenue. Et je dois avouer que c'est sans doute la plus belle interprétation du lapin blanc que j'ai pu voir. Bien sur, l'ambiance globale du film, oppressante, étrange, tordant et pervertissant l'image de l'enfance, est de ce genre d'ambiance que j'aime voir dans les adaptations de Sir Lewis Carroll. Et notre lapin blanc est ici parfaitement inclus dans cette ambiance, à mi-chemin entre le personnage horrifique et le jouet d'enfant. Un seul exemple, les (réelles) dents de lait qui composent son sourire : c'est à la fois une métonymie de l'innocence enfantine, et un poids d'étrangeté et de glauque difficilement explicable. Ses longues pattes à la Dalí, son costume rayé à la Tim Burton, chaque détail converge à la création d'un personnage ambiguë et terriblement fascinant.
Le travail de la lumière est saisissant, à l'image du reste du film, à la fois doux et contrasté, jouant sur un effet de flamme de bougie oscillante et de clair-obscur. La technique d'animation, en stop-motion, qui m'est très chère, sert parfaitement le propos et l'ambiance : l'ambiance car elle apporte un effet saccadé mais ludique, qui sert pour l'un le malaise, pour l'autre l'hommage à l'enfance. Le propos car il questionne à nouveau la question du temps, que le réalisateur à du prendre pour animer, image par image, ses marionnettes, pour leur donner vie. Un peu une métaphore du film finalement. Ou est-ce le film qui est une métaphore de son métier ? Voila une question qui mérite d’être posée.
Mais je ne pourrais conclure sans parler de la musique. Fichtre, diantre, et j'en passe des plus vulgaire, que c'est beau. Je ne crois pas qu'il y ai un être humain qui n'apprécie pas un air de violon bien interprété. Mais celui-ci est comme habité. A le ré-écouter, en aveugle cette fois, je ne peux m'empêcher d'imaginer l’interprète possédé par le morceau, l'archet dansant seul sur les cordes de l'instrument. On en revient toujours à la question du temps, qu'il bat à une vitesse effrénée. Cette musique, qui occupe la totalité du film, est une présence permanente du temps qui passe, du sablier qui s'écoule inlassablement. Et même sans en savoir la finalité (du moins au premier visionnage, le second prend un sens bien différent, mais il ne s'agirait pas de spoiler), on en sent toute la menace, toute l'inexorabilité. Cette musique, qui devient interne avec une aisance déconcertante (je veux dire, je suis la seule à m'être demandé comment il allait faire pour nous faire entendre le violon interne, alors qu'on avait déjà la musique en off ? Et la musique qui repasse in comme si la question n'avait pas lieu d'être posée...), prend alors une puissance émotionnelle sans pareil, devenant, non plus une alerte externe du réalisateur, mais un cri de détresse direct de son personnage.
Les quelques défauts, un effet un peu kitsch peut-être peut-être à la fin, une animation présentant quelques imperfections par moment, sont bien vite éclipsés par la puissance du scénario et la beauté glauque de l'esthétique. Mais je commence à me répéter, et il est temps pour moi de poser un point final à cette critique.

Créée

le 4 mars 2016

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Zalya

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