Grosse déception, l'idée de départ était originale et l'affiche plutôt sympa, mais dès les premiers plans on sent la mayonnaise tourner : la réalisation est ridicule pour un objet qui se prétend un film. Visuellement, on est en plein dans le téléfilm de l'après-midi sur m6, sans aucune exagération. La bande son vient renforcer cette impression, se contentant de quelques mélodies de piano banales et soporifiques, mille fois entendues dans.... des téléfilms quelquonques ayant pu être diffusés sur M6. "Mise en scène sobre" ne veut pas dire chiante à mourir et dénuée de toute créativité.
Quand au huit-clos, ok ils sont tous dans un salon pendant tout le film, mais ça s'arrête là. Utiliser le terme "huit-clos" comme un compliment en soi est un peu vaseux, à ce moment là "Humains" est un chouette film parce que film d'aventure.


Bon, The Man From Earth n'est pas aussi mauvais que "Humains", mais il ne vaut guère mieux que les téléfilms dont je parlais au début, et ce, au-delà de sa mise en scène. Car le scénario n'a d'original que son pitch, le reste oscillant entre le moyennement intéressant (les réflexions sur le passage du temps, les souvenirs) et l'ineptie ("tu te souviens de ton père ?") voire le plagiat de Star Wars ("je suis ton père" : hahahahahaha).

Ah oui, la gestion du huit-clos aussi m'a fait rire à certains moments. En effet, le réal doit sentir qu'il faut faire vivre son huit-clos pour pas qu'il ressemble à un simple débat, et on a droit à quelques moments supposés rentre le tout plus "vrai", "vivant", qui finalement font juste soupirer ou sourire le spectateur. Par exemple, quand le psy allume sa pipe et que la jeune étudiante tousse quelques instants plus tard, un moment mis en valeur par la caméra, sur le coup on se dit : "qu'est-ce qu'il lui arrive à cette jeune étudiante ? notre immortel serait-il en fait porteur d'un virus qui va tous les décimer, est-ce que la seconde partie de film va virer "Cabin Fever" ?". Mais non, c'était juste histoire de faire vivre l'ensemble, rendre les personnages un peu plus profonds. Raté.

Dans le même genre, il y a Edith (dame d'âge mur plutôt calée en catholicisme, enfin elle kiffe Jésus et la Bible quoi) qui a froid et qui change de place, parce que oui Edith est bien un vrai personnage et pas un ectoplasme, et des fois les gens en vrai ils ont froid. Alors elle va près du feu.

Le passage des déménageurs m'a fait marrer également, les gars viennent récupérer les meubles de l'immortel (en fait ils sont d'une association, car le bonhomme fait don de tous ses meubles à chaque fois qu'il part) pendant que l'assemblée discute immortalité. Ainsi, ils se trimballent je ne sais quel fauteuil en entendant un mec expliquer que quand il était jeune il peignait des bisons dans une grotte avec sa tribu (ou quelque chose du genre). Fort heureusement, ils restent pro jusqu'au bout et n'en font pas de cas.

Les personnages sont intéressants également, tous universitaires, prêts à avoir un sacré débat pour rétablir les faits. L'archéologue, aventurier bien entendu, on le reconnaît rapidement à sa folle tignasse rebelle, son blouson en cuir, sa moto et sa propension à draguer ses étudiantes. Forcément, en étant plus grande gueule du fait de sa nature de vrai gars couillu, il s'offusque plus brutalement que les autres et ses "ooh tu mens" se font plus élevés dans les décibels et il arrive même qu'il lâche un mot d'argot ici et là. Un rebelle, l'archéologie c'est pas pour les fiottes.
Le biologiste, prompt à délirer sur ce qui est possible ou pas (oui car les mecs hésitent parfois à croire le héros, qui n'a RIEN d'autre comme preuves ou éléments troublants à avancer que quelques discours descriptifs et anecdotes rigolotes (ou pas), éléments que n'importe qui d'un minimum décidé à faire croire à son entourage qu'il est âgé de 14000 ans pourrait apprendre par coeur en quelques jours, et encore je suis sympa) essaie de comprendre les choses. Tous se rejoignent périodiquement sur cette grande vérité scientifique qui est que "rien n'est impossible", ce qui a le mérite de faire avancer le débat. Ah si, il lui propose tout de même de lui faire quelques tests, le cavalier ! Doté d'un humour un peu lourdingue sans être atroce, pas vraiment beau gosse et gentiment ridicule, le biologiste est bien un rat de laboratoire tout ce qu'il y a de plus tradi.. cliché.

La spécialiste des religions (enfin je crois) et plus spécialement catholique pratiquante est vieille, gentille mais perd légèrement les pédales quand la discussion prend une tournure blasphématoire. Faut dire que l'immortel prétend avoir été Jésus, et en plus de ça l'assemblée explique que les récits bibliques sont parfois adaptés d'anciens mythes, et ça lui fout un coup au moral parce qu'elle l'ignorait apparemment. Elle se met alors à devenir un peu bigotte parce que pendant un moment elle ne dit plus rien et se contente d'asséner deux fois "TU N'AS JAMAIS ETE LE CHRIST", c'était sans doute pour montrer que une foi ébranlée rendait la personne déraisonnable, c'est très fin psychologiquement.
Et puis à la fin, quand le héros fait croire que tout était faux (pour ménager ses amis) elle lui pardonne, "en bonne chrétienne" (selon ses mots). Un portrait saisissant d'une croyante d'aujourd'hui, personnage fort s'il en est.

Y'a le black de service également, dont je n'ai guère compris la spécialité mais qui m'avait l'air un peu touche à tout et anthropologue-philosophe sur les bords. Il est un peu à la cool, petit béret, décontract', un bon black sympa qui essaie de ménager un peu tout le monde. Dans le fond, même s'il est aussi creux que les autres, il m'a paru moins exaspérant (le pompon de l'exaspérant revenant sans conteste à l'archéologue en mousse).
Le psy est très psy : "ton père te manque pas ?" ("oh tu sais quand je vois un singe au zoo ça m'y fait penser mais c'est tout hein") et maîtrise parfaitement sa discipline, évidemment, bluffant le spectateur qui doit s'accrocher pour suivre des concepts alambiqués tels que "certaines personnes croient réellement à leurs mensonges". Ouf ! Révolutionnaire.

L'étudiante, qui ne connait personnellement personne hormis l'archéologue, est ingénue, évidemment. Moins prompte à s'offusquer, évidemment, car les jeunes étudiants curieux sont frais et candides, évidemment, prêts à remettre leur conception des choses en question. Là encore, joli message très finement inséré au film.

Le héros lui est un gentil tout concon qui sait pas trop comment amener la chose et qui finit par trouver le moment idéal : une discussion entre le biologiste et je sais plus qui sur Christophe Colomb. L'occasion parfaite ! Il se lance "oh j'ai navigué avec Christophe Colomb, aah ! la vie sur un navire !". Dans le fond, pourquoi pas, mais les dialogues sont tellement pauvres et mal écrits qu'à peu près tout ce qui est dit dans ce film sonne faux.

Sinon, y'a la révélation finale : le vieux psy est le fils de l'immortel, il l'apprend par erreur quand notre increvable héros papote avec sa dulcinée sur le perron "oh dans les noms chelous que j'ai porté y'a eu celui là à Boston y'a 60 ans, je m'appellais Biduletruc. -HAHA ! Non, Biduletruc mdr mais c'est trop moche ??". Pas de bol, y'avait le psy derrière, la vérité lui fait mal. "Maman avait dit que tu nous avait abandonnés ! Ouin ! -Oui mais tu sais que j'avais pas le choix, il le fallait ! -Et on avait un chien ! Ouin ! -Oui il s'appelait Woofie ! -Ouiinn..aaaargh ! mon coeur" et il meurs comme une merde. Cette révélation avait sans doute pour but d'être le coup de grâce, le truc qui ferait que le récit du héros était vrai, même si on le savait déjà parce que ça se voyait que c'était un mec sincère et que pas grand chose venait contredire ça, et qu'en plus vue la profondeur des personnages on imaginait mal qu'il puisse les avoir mythonnés en profondeur, mais là au moins ça fait THE FAIT !

Bref, un film vraiment moisi que je me faisais pourtant une joie de découvrir, vu toutes les bonnes notes qu'il affichait ici et là. En plus je suis plutôt bon public pour ce genre de trip, mais là, pas possible. De toute manière, encore une fois, dès les premières scènes on sent que ça va mal se passer. On cherche presque le logo M6 en haut à droite. Dans le fond, tout n'est pas à jeter et tout n'est pas bête, c'est juste mal filmé mal mis en scène mal écrit mal interprété et extrêmement, extrêmement, extrêmement naïf. Quelques idées sympas sur l'Homme, la religion, mais exprimées avec tellement peu de profondeur et avec tellement d'inculture qu'elles ne dépassent pas le stade de "si le ciel avait été jaune dans le passé, est-ce qu'on le saurait aujourd'hui ?".
Cul-cul est le terme qui résume le mieux le film.
EverettMcGill
4
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le 8 mars 2013

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Everett McGill

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