Il y a de rares fois, dans la sphère direct-to-dvd, où l'on tombe sur des perles d'une immensité insoupçonnée. Man From Earth s'inscrit directement dans ce qui a été de plus beau et de plus intelligent parmi celles-ci. La réalisation ressemble à un téléfilm d'M6, tout comme la musique, mais au bout de la deuxième minute on oublie instantanément cette partie tellement on est happé par le scénario d'une richesse paraissant sans limites. Le sujet avait déjà été abordé dans Highlander, dont la morale était le refrain de Queen, « Who Wants To Live Forever ? », mais ici l'éternité de la vie d'un homme est décuplée pour être appréhendée dans son intégralité, se souciant toujours de l'aspect plausible de la chose. La logique est mise à rude épreuve, elle est malaxée, étirée, broyée, manipulée, démontée, et pourtant on finit par y croire, et même lorsque le plus gros de la vie de cet homme sera lâché, on finira par accepter cette possible réalité, tant elle parait tangible.
Je vois d'ici l'occidental moyen arriver avec ses gros godillots en beuglant à la bondieuserie, mais l'oeuvre est loin de là. Nous sommes plus proche du métaphysique, du message de bonté et d'espoir, sous couvert de science-fiction, mais condamnant l'homme, manipulateur, plutôt que la religion elle-même, et se prévaut surtout d'être anticlérical et non antireligieux. Celle-ci, créée par l'homme, est démontée, puis ensuite on nous dit de garder la foi, créant une dualité, puisque la foi est un concept de l'homme, mais n'était-ce pas là le but de Bixby, nous ramener à l'incessante question, qui est arrivé en premier, l'oeuf ou la poule ?

Bref, Man From Earth est quelque chose de formidable, dur à classer tant son approche mystique en fait quelque chose d'unique, et la seule oeuvre à laquelle j'oserais le comparer serait Starman, bien que son sujet soit différent, mais qui m'avait procuré des sentiments assez similaires. Sollicitant l'intellect du spectateur, il sème en route tout un tas de réponses amenant elles-mêmes à d'inévitables questions malmenant notre matière grise.
Comment un homme de 14.000 ans pourrait nous prouver qu'il a bien cet âge ? C'est impossible. Tout ce qu'il racontera aura été publié dans des livres, écrit par des historiens et théologiens de façon si fidèle que lui-même ne pourrait mieux dire, et quel objet unique aurait-il à nous montrer ? Gardons-nous nos mobiles plus de quelques années ? Non. Imaginez donc ce qu'un homme aussi vieux pourrait faire d'un bout de silex. Rien. Et s'il se montrait suffisamment convainquant, la seule chose que l'on aurait envie de faire, ça serait de l'enfermer ou l'étudier, tellement il nous glacerait de peur.
C'est triste, et l'on est sensible à cet homme qui se lasse des Hommes, et qui surtout en a peur, mais est néanmoins là depuis trop longtemps pour prendre le risque de ne plus jamais pouvoir admirer le feu, les étoiles, ou mettre ses mains dans l'herbe.
Pour en revenir à l'aspect purement technique, on appréciera le casting de vieilles gueules, que l'on a vu dans dans un nombre incalculable de films ou téléfilms, mais dont on ne connaît que rarement les noms, si ce n'est Tony Todd, qui pour une fois a l'occasion de tourner dans autre chose qu'une connerie ou un b-movie sanguinolent, et ça ça fait vraiment plaisir. On reconnaîtra également William Katt, qui eut son heure de gloire dans le mythique House, et sans oublier John Billingsley, le Dr Phlox d'Enterprise.
Pour conclure, si l'idée de vous plonger dans un épisode d'1h20 de La Quatrième Dimension vous tente, vous aurez là de quoi passer un excellent moment de science-fiction. S'ajouteront à cela les amateurs d'histoire et mythologie (ou non) qui ne pourront pas passer à côté de ce cours d'un ludisme très rarement atteint. Les plus maniaques auront bien de quoi pinailler afin de démonter l'oeuvre, mais c'est probablement parce qu'eux aussi ont vécu 14.000 ans.
Mention spéciale pour Jerome Bixby, qui signe là un scénario d'une qualité en béton, fidèle à ce qu'il avait pu nous servir lors de son époque Quatrième Dimension/Star Trek.
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le 19 août 2011

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