The Mangler
4.7
The Mangler

Film de Tobe Hooper (1995)

Un véritable conte gothique s’offre ici sous l’apparence d’un quelconque film d’horreur. Entre cette laverie suintante et pleine de vapeurs, dominée par une machine maléfique au design inquiétant et agressif très réussi, le manoir antique à esthétique baroque, anthracite fissuré, gargouilles, vastes chambres aux plafonds hauts, la morgue étroite et le sous-sol gris et crasseux de la station de police, l’ambiance est sombre et omineuse.

La galerie des personnages marque également de ses emprunts au roman noir, au romantisme et aux films noirs (décidément...): le directeur dément de la laverie, qui a vendu son âme, joué par un Robert Englund habité par son rôle et franchement excellent, défiguré et dégageant la menace, le policier antipathique désabusé mais gardant un fort sens de la justice dans sa ville mourante et corrompue, qui devient malgré lui le héros de cette histoire de possessions et de sacrifices à une entité diabolique, le photographe cancéreux, qui, nonobstant lui aussi une première impression négative, s’ôte ensuite l’étrangeté pour se révéler allié chaleureux au destin funeste, le bon ami du policier qui, on le voit bien, le soutient moralement et lui sert de garde-fou, et est prêt à le suivre dans la gueule du monstre, la sorcière, basculant d’innocente en furieuse au cours du film, la vierge vraiment innocente et par sa faiblesse plus convoitée encore par les forces du mal, et évidemment la Presseuse elle-même, quasiment personnage principal, qui a une présence à l’écran inouïe pour une machine immobile—elle respire, mâche, avale, boit le sang, et recrache les morceaux écrabouillés, elle dévore, animée du seul désir de tuer.

Le film possède un déroulement fort, car, au contraire d’autres films d’horreur, il essaie non de relier entre elles des scènes d’horreur, mais de raconter une histoire, donc d’installer une atmosphère humide et visqueuse, le grain de la pellicule, l’éclairage en dominante métallique et une musique appropriée contribuant, ainsi qu’un rythme propre, pour y ourdir les éléments du récit, lugubre qu’il soit. La Presseuse dans cette laverie désuète symbolise la rouille de l’âge industriel décadent, et l’effroi provoqué par une mécanique aveugle et aliénée des humains. Ainsi un tableau pessimiste se dessine, puisqu’à la fin un cycle s’achève et un autre commence (et des suites de merde apparaissent), non moins désespéré que le précédent, car malgré l’apparence d’un endroit détaché du monde contemporain, comme coincé au XIXème, toute la société est concernée par le remplacement de la main-d’œuvre humaine par des machines qui ne connaissent aucune pitié, qui fonctionnent sans s’arrêter à la chair y broyée par inadvertance, qui de plus en plus exige d’implication dans la vie, qui s’immisce en engrenage de logique dans l’intimité. (Je concède être allé trop loin dans l’analyse, car chez King l’imagination ne va jamais au-delà de sa graphomanie, et reviennent sempiternellement les justifications lassantes à base de cimetière indien, de hantise, de pouvoirs telewhatever, de voyants. Mais le film surpasse la base «littéraire».)

Je pourrais certes relever quelques défauts par moments, comme le fait que tout le film se déroule en une journée, ou la présence injustifiée de la nouvelle fille soumise au directeur, ou de mauvaises CGI à la fin, mais le reste a de tant surpassé ces bagatelles que je n’ai pas essayé de les relever, comme je fais pour les films chiants par exemple. Car les effets spéciaux physiques, les plateaux très beaux et habilement décorés, visant à renforcer l’ambiance sombre, le gore très présent et montré sans contraintes, le jeu notamment de Robert Englund, et le tournant fantastique halluciné pris à la fin me convainquent totalement. Il mériterait d’être plus connu.
Owen_Flawers
7
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le 5 avr. 2014

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Owen_Flawers

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