The Master est une oeuvre lancinante, fascinante et esthétique qui sonde les racines du mal et du malaise d’une Amérique au lendemain d’une période traumatisante de son histoire.
Avec un corps malingre, vouté et un visage déformé par une vie chaotique, Joaquin Phoenix incarne physiquement cette société qui va devoir apprendre à se reconstruire. Durant tout le métrage, l’acteur traine sa silhouette au milieu de scènes calmes et contemplatives, prêtes à vaciller à tout instant sur le fil de la folie du fait de cet homme qui semble perdre de son humanité pour devenir un authentique chien sauvage et enragé.
En contraste au personnage d’écorché vif solitaire incarné par Phoenix, celui joué par Phillip Seymour Hoffman apporte, en apparence, du calme et de la sérénité par son côté force tranquille qui inspire aux autres la confiance et la sérénité. Toutefois l’esprit incontrôlable semble ne pouvoir être maîtrisé ni même guidé. En refusant toute idéologie ou autorité, le métrage injecte l’idée qu’il n’y a pas de solutions pour sauver une société qui n’est pas prête à se débarrasser de ses propres vices.
Paul Thomas Anderson livre donc une histoire passionnelle entre deux hommes et met en scène de façon brillante la relation de dominé à dominant entre un être en perdition et un gourou avide de gloire et de reconnaissance où l’on finit par se demander qui a réellement besoin de l’autre. Avec une esthétique proche de la perfection et une atmosphère étouffante et parfois dérangeante, The Master s’inscrit dans la lignée de There Will Be Blood, le précédent chef d’oeuvre de son réalisateur.