Propos parfois un peu flou mais mise en scène et interprétation magistrales

"The Master" marque 2 retours. Celui de Paul Thomas Anderson d'abord, réalisateur de quelques gros morceaux de cinéma même si son cinéma peut paraître parfois comme assez élitiste ("Magnolia" reste pour moi son plus grand film, je reste sur ma réserve concernant "There will be blood"). Mais surtout le grand retour à l'écran de Joaquin Phoenix qui, après avoir explosé dans les 2 derniers films de James Gray ("Two lovers" mais surtout juste avant avec l'excellent "La nuit nous appartient"), s'était quelque peu perdu en orchestrant sa fausse retraire pour le tout aussi faux docu "I'm Still Here" qui s'est plus apparenté à une mauvaise blague, mais qui montre quand même l'audace du bonhomme qui, il y a 4 ans, était demandé par tous les plus grands réalisateurs. Maintenant fini de jouer, il est de retour et c'est du sérieux. Il brigue même (on l'a su hier suite aux nominations) l'Oscar du meilleur acteur.

Le film suit un vétéran que la seconde guerre mondiale, qu'il a vécu dans le Pacifique dans la marine, a brisé. De nature instable, cette guerre l'a rendu alcoolique et a révélé sa nature violente, qu'il ne peux quasiment plus contenir et qui va le mener à vadrouiller sans buts au travers de provinces US. Il va alors, par hasard, se retrouver dans un groupuscule répondant au nom évasif de "La Cause" où un maître de l'hypnose va le prendre sous son aile pour le "soigner". Ou pas.

Le film aborde des thèmes complexes et ambitieux (les rêves, la destinée, les affres de la guerre) mais se concentre principalement sur les thèmes de l'emprise et de la dépendance à autrui. Ce qui apparaît d'abord comme un mentor bienfaiteur, s'apparente petit à petit à un grand manipulateur, une sorte de gourou chef de meute qui voyage pour clamer sa bonne parole et rendre le plus de monde possible addict. La relation qui en résultent entre les 2 hommes est d'une complexité rare et intense. Le film pose un tas de questions sur cette volonté de "contrôler" quelqu'un, et la problématique, binaire de prime abord, devient plus tourmentée quand on se rend compte que "Le Master" n'est peut-être pas celui qu'on pensait avec l'introduction de la femme du gourou, jouée par l'excellente Amy Adams, qui a un pouvoir insoupçonné sur son mari. Qui contrôle qui? On voit alors les pouvoirs que l'emprise sur quelqu'un peut avoir ; d'abord réparatrice, sa thérapie va devenir un cauchemar et le détruire encore plus.

Alors oui c'est diablement intelligent (peut-être trop même) mais la lourdeur (parfois) du propos tend à peser sur le rythme du film qui, d'abord envoutant, devient un peu trop tourmenté pour nous emporter réelement dans sa deuxième moitié. Le final, trop alambiqué, nous perd (en tout cas pour ma part) et on du mal à définir ce que PTA a voulu nous dire sur quelques points. Frustrant.

Le film reste pourtant emballant sur pas mal d'aspects ; d'abord la direction artistique et sa jolie reconstitution d'époque ; son image atypique (le film a été tourné en 70mm, format mis à la retraite depuis pas mal de temps) donne le ton adéquat à l'oeuvre ; mais surtout l'interprétation impeccable des 3 acteurs principaux, de Amy Adams au colossal Philip Seymour Hoffman, mais c'est surtout Joaquin Phoenix qui impressionne (encore). Je ne vois pas comment cette année l'Oscar lui échapperait. L'intensité de certaines scènes qui en résulte scotche et prend le spectateur aux tripes.

Un film ambitieux, pas très accessible (comme souvent chez PTA) mais qui offre quelques pépites de Cinéma remarquables.
guitt92
6
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le 17 janv. 2013

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guitt92

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