Avec The Master, Paul Thomas Anderson prouve une nouvelle fois qu'il est un cinéaste à l'ambition démesurée et pas dépourvu d'idées.

Il aborde courageusement des thèmes difficiles et The Master est certainement son film le moins facile d'accès car le cinéaste enferme son récit dans la psyché malade de deux êtres : Freddie (Joaquin Pheonix), ancien Marine qui peine à se réinsérer dans la vie civile et Lancaster Dodd, créateur de la Scientologie (Philip Seymour Hoffman).

Paul Thomas Anderson, on le sait, est comparé à Orson Welles et il est difficile de ne pas voir dans The Master des connexions avec le chef d'oeuvre de Welles, Citizen Kane. Comment, en effet, ne pas voir dans l'imposante carrure de Seymour Hoffman le reflet de Charles Foster Kane qu'interprétait Orson Welles ? Surtout à la toute fin du film où Lancaster Dodd est placé au centre de cette immense bureau qui rappelle le Xanadu de Kane.

The Master, comme Citizen Kane, est un film sur l'ambition d'un homme et non pas sur la naissance de la Scientologie. Mais Anderson va plus loin que le film de Welles en ceci qu'il place son histoire dans un contexte historique très particulier (l'après Seconde Guerre mondiale) et également, parce qu'il met en scène le personnage de Freddie, un homme rachitique et impulsif. Anderson creuse, une fois de plus, la question de la relation au père. Dans Magnolia, Tom Cruise allait retrouver son père sur son lit de mort. Dans There will be blood, Daniel Day-Lewis abandonnait son fils devenu sourd, tandis que Paul Dano se rêvait en père spirituel d'une communauté religieuse. Ici, dans The Master, Lancaster tente d'être le père, le guide, de Freddie qui, lui, a souvent des comportements enfantins.

Dodd (qui se fait appeler Maître) voit en Freddie, non seulement un alter ego (un double) mais aussi le défi de sa carrière. Dans cet esprit profondément malade et perturbé, il voit la créature qui pourrait faire passer son travail à un niveau supérieur. Le docteur Frankenstein et son monstre. Mais le monstre, fidèle et soumis, se rebelle parfois et se montre souvent incontrôlable. Que faire alors ? Les deux hommes peuvent-ils vivre ensemble ? Lancaster Dodd peut-il guérir Freddie ? Ou bien sont-ils destinés à s'auto-détruire encore et encore ?

Rarement un film n'aura aussi bien traduit visuellement les pensées et comportements déviants de deux hommes que tout opposent. Paul Thomas Anderson filment deux acteurs au bord du gouffre. Il filme un combat de titans. D'un côté, le frêle Joaquin Pheonix, qui transforme littéralement son jeu, et de l'autre, le bien portant Philip Seymour Hoffman, qui fait la démonstration de toute la puissance qu'il a en réserve.
busterlewis
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le 12 févr. 2013

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le 12 févr. 2013

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