S’il y a un digne héritier du cinéma de Woody Allen, c’est bien Noah Baumbach. Adepte des comédies bavardes et légères sur les relations conflictuelles de New-yorkais aisés, le cinéaste de quarante-huit ans s’est d’abord fait connaître pour avoir co-écrit certains scénarios de Wes Anderson (La Vie Aquatique et Fantastic Mr. Fox) tout en réalisant ses projets personnels à côté. Véritablement révélé en 2005 avec Les Bergman se séparent, le natif de Brooklyn est à l’origine des récits comico-mélancoliques les plus réjouissants de ses dernières et la consécration lui tombera dessus lors des sorties de Greenberg et Frances Ha. Deux ans après Mistress America co-écrit avec sa compagne Greta Gerwig, The Meyerowitz Stories est le onzième film du cinéaste. Sélectionné au dernier Festival de Cannes, sa place en Compétition Officielle fût remarquée et contestée, le film étant produit par Netflix, la célèbre plate-forme SVOD qui exprimait clairement son refus de le sortir dans les salles de cinéma au vu de l’actuelle chronologie des médias. Mais en dehors de toute polémique, cette sélection sur la Croisette était une première pour Noah Baumbach qui se voyait définitivement honoré par la profession. Sa présence à Cannes n’est donc que la consécration du travail d’un auteur qui a toujours su préserver son indépendance tout en faisant exister son œuvre parmi les cinéastes américains les plus appréciés de sa génération.



Aussi sympathique soit-il, The Meyerowitz Stories n’a pas le développement et la personnalité nécessaire pour s’extirper de son statut d’ersatz de Woody Allen, preuve regrettable que le cinéaste a du mal à renouer avec la réussite de Frances Ha.



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The Meyerowitz Stories étale donc les discordes d’une fratrie réunie par l’hospitalisation du « pater », incarné par Dustin Hoffman, le tout dans un cadre artistique et mondain new-yorkais. Le film a pour lui l’énergie récréative d’un casting d’exception, tous incarnant à la perfection leurs personnages respectifs. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas vu Ben Stiller, Dustin Hoffman et Adam Sandler (!!) aussi réjouissants. Quant à Elizabeth Marvel, elle confirme tout le bien que l’on pense d’elle depuis son rôle dans la série House of Cards. Cette remarquable distribution apporte une vraie dimension chorale et comique à ce récit tantôt snob, tantôt existentialiste, tantôt émouvant. Noah Baumbach saisit avec une précision insondable l’énergie qui se dégage du milieu artistique dans lequel évolue chacun (ou pas) des membres de cette famille explosée. En ce sens, on remarque que The Meyerowitz Stories s’inscrit avec politesse dans cet univers d’intellos bourgeois, soit l’exact antithèse de The Square qui sort prochainement. Le cinéaste prouve par ailleurs qu’il a un véritable don pour l’écriture des dialogues qui sonnent tous justes et participent à cette impression que le film capte de véritables tranches de vies où les acteurs ne font qu’un avec leurs personnages et leurs interactions. Mais derrière cette jolie et innocente comédie se cache incontestablement un film en cruel manque d’inspiration. S’il s’avère suffisamment distrayant, le film s’inscrit dans la continuité vaine des derniers films de Noah Baumbach et n’a pas l’étoffe pour s’extirper de l’incommensurable flot des comédies dramatiques sur les familles dysfonctionnelles. Il lui manque la force, l’impact et l’inspiration qui faisaient le sel de ses précédentes œuvres et la singularité du cinéma de Woody Allen. A l’issue du générique de fin, toutes les sympathiques intentions narratives s’envolent pour ne laisser l’impression que d’un film charmant, léger mais sans la prétention de renouveler le genre.


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le 16 oct. 2017

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Kévin List

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