Que Na Hong-Jin ait du talent, c'est on ne peut plus évident : après un "Chaser" très réussi, ce "Murderer" (titre français moins beau et pertinent que le titre original, "The Yellow Sea") - plus ambitieux dans sa vision de la réalité coréenne, et plus singulier aussi - confirme l'intelligence absolue et l'énergie imparable d'une mise en scène qui renouvelle les us et coutumes du polar coréen (violence, crudité, humour grotesque, mais une efficacité indéniable qui ne sacrifie jamais aux codes hollywoodiens), en injectant une lucidité que l'on pourrait qualifier de "politique" quant au fonctionnement du récit, et un vrai regard à hauteur d'homme sur des personnages qui, au début du moins, ne sont pas que des pantins vecteurs de fiction extrême. "Au début", parce que, malheureusement, après une bonne heure qui frôle la perfection absolue dans le réalisme social le plus implacable, Na Hong-Jin s'embrouille tout seul dans une intrigue inutilement compliquée, jusqu'à nous perdre un peu, avouons-le, et multiplie tellement les scènes de violence à l'arme blanche (il semble qu'en Corée du Sud, même les truands n'aient pas d'arme à feu…) que l'on atteint une sorte de saturation devant le déchaînement de sauvagerie mi grotesque, mi atroce. Heureusement, une (double) conclusion parfaite apaisera le spectateur épuisé par ce marathon, et le laissera réfléchir tranquillement à une question troublante : et si, au final, le vrai génie de Na Hong-Jin, ce n'était pas justement son refus nihiliste d'un cinéma raisonnable ? [Critique écrite en 2012]