"La beauté est dans les yeux de celui qui regarde".
Oscar Wilde.


A travers ce film d'horreur expérimental soft en surface mais au message puissant qu'est "The Neon Demon" , Nicolas Winding Refn explore les coulisses, plus encore que la scène,et nous dévoile les facettes enfouies derrière ce monde clair radieux de strass et de paillettes.


Avec cette œuvre, Winding Refn délivre une critique forte du mannequinat et de ses travers. La femme y est perçue comme un objet, une poupée barbie dénuée de personnalité et cantonnée à son image de femme à la sexualité prononcée. Il y démontre la vérité glaçante et repoussante de ce qui est devenu progressivement une mode dangereuse. L'objectif ici, c'est la recherche de la beauté à tout prix. Le téléspectateur évolue alors dans un monde très froid, prétentieux, calculateur, factice, ou simplement cruel dans laquelle la concurrence et la jalousie règnent en maîtresse absolue.


C'est novice et vierge que Jesse (Elle Fanning), la protagoniste principale, explorera cet univers de prime abord valorisant, attractif et rêveur. Mais la réalité est toute autre: prisonnière des photographes de mode et de leurs innombrables flashs, sa perte de la réalité et sa descente aux enfers s'opéreront de manière croissante, dans cet univers malsain et excessivement pervers où les femmes n'ont pas le droit d'excéder un certain poids, où elles ne peuvent strictement pas se permettre d'avoir des formes, où elles en deviennent boulimiques, anorexiques, dépressives, et éprouvent constamment le désir d'être la plus belle aux yeux du monde, quitte à sombrer plus bas que terre pour pourvoyer ce statut (Coucher avec un producteur, avoir recours à la chirurgie esthétique, mentir, etc..). A la différence des autres filles qu'elle croise dans sa mésaventure, Jesse est consciente de sa beauté naturelle et sa personne témoigne d'une réelle humanité, gentillesse et sincérité. Là où les autres mannequins sont prétentieux et profondément faux, Jesse a la caractéristique d'être à la fois belle physiquement et intérieurement et bénéficie d'une véritable empathie pour autrui.


La réalisation se veut aussi superficielle que les mannequins, et tout aussi peu naturelle. L'image y est colorée, la photographie jolie. Chaque plan de "The Neon Demon", généralements fixes, sonne comme un tableau.


Cette prétendue beauté de l'image peut, elle même, être critiquée. Si la forme est irréprochable, le fond est imparfait. Le scénario demeure creux, et plutôt vide. Vide, mais qui prête fortement à réflexion cependant puisque une fois terminé, ledit film suscite plein de questions et se révèle intelligible et intelligent. Second point négatif à relever: Keanu Reeves, petit poisson rouge dans cet océan de douleurs et d'amertume. Il campe un rôle non pas essentiel, non pas inutile mais est retranché dans de la quasi-figuration, un rôle sous-exploité pour un acteur de sa trempe.


Pour terminer, "The Neon Demon", si il devait être défini, ne serait clairement pas un chef d'œuvre. "The Neon Demon" est un grand moment de cinéma, portant à réflexion, disposant d'un regard extérieur sur cette mode pernicieuse, dangereuse et restrictive, qui touche de plus en plus le jeune public et dont il en résulte des ravages aujourd'hui, ayant modifié au cours du temps l'image de la femme avec sa copine la publicité, l'ayant rabaissée à ce statut de femme-objet, de défouloir et de faire-valoir sexuel. "The Neon Demon" ne serait pas ce chef d'œuvre car il pêche par ses imperfectibilités scénaristiques, (parfois résumées sous le titre de "Le démon néant") mais il bénéficie d'assez de qualités que pour susciter l'intérêt chez le téléspectateur à la recherche de sensations fortes, de curiosités, à la recherche d'un renouvellement de son expérience cinématographique ou qui souhaite simplement poursuivre l'analyse du sujet traité avec ses propres opinions. Et elle est là, la force du film...


Et si "The Neon Demon" était en fait un documentaire?
Merci Nicolas Winding Refn pour ce curieux métrage aux diverses facettes.

QuentinDubois
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films à voir

Créée

le 20 nov. 2016

Critique lue 309 fois

1 j'aime

Quentin Dubois

Écrit par

Critique lue 309 fois

1

D'autres avis sur The Neon Demon

The Neon Demon
Antofisherb
5

Poison Girl

Bon allez, pas d’introduction bien tournée pour cette fois, pour éviter toute confusion et parce qu’on colle des procès d’intention au film pas tout à fait pertinents, je vais commencer par quelques...

le 8 juin 2016

196 j'aime

45

The Neon Demon
Gand-Alf
5

Beauty is Everything.

Le temps d'un plan, j'y ai cru, au point d'en avoir une demie molle. Le temps d'un opening theme fracassant, me renvoyant au temps béni de Blade Runner, et dont les basses me parcourent l'échine avec...

le 20 juin 2016

193 j'aime

6

The Neon Demon
Sergent_Pepper
8

Splendeur et décadence.

La plastique, c’est hypnotique. La bande annonce, le clip, la publicité : autant de formes audiovisuelles à la densité plastique extrême qu’on louera pour leur forme en méprisant le plus souvent...

le 13 juin 2016

149 j'aime

19

Du même critique

3 from Hell
QuentinDubois
3

Quand Zombie s'auto-parodie.

C'était pénible. Les "Devil's rejects", laissés pour morts dans le film de 2005, sont tout simplement envoyés en prison et sont donc toujours en vie. Une petite pirouette scénaristique pour justifier...

le 5 oct. 2019

21 j'aime

1

La Nonne
QuentinDubois
7

Frayeurs

Je n'avais ni attente particulière ni quelconque appréhension envers ce film. Je me suis quand même décidé à aller le voir. Les critiques allant de 1 à 2/10 n'étaient pas très encourageantes, sans...

le 12 sept. 2018

20 j'aime

En eaux troubles
QuentinDubois
6

Jason Stasquale

Adapté d'un roman publié en 1997 par Steve Alten sous le titre "Meg: A novel of deep terror", Disney achète les droits pour en tirer un long-métrage motivé par l'appât du gain en voyant le succès de...

le 19 août 2018

15 j'aime

3