Avec The Neon Demon, le réalisateur danois Nicolas Wending Refn braque sa caméra sous les projecteurs cuisants de la mode. L’univers impitoyable du mannequinat est métaphoriquement teinté de tonalités incisives, âpres et horrifiques.


Dans ce film, l’esthétisme est légion. La scène d’ouverture donne le ton : une poupée décharnée, ensanglantée, étalée dans un canapé est flashée de tous les côtés sous un regard sombre et concentré. Assistons-nous à un shooting photo ou au ravage d’une scène de crime ? Le trouble prémonitoire de la confusion des genres est donné. Tout au long du film, la froideur des émotions et la brutalité des actes s’entrechoquent perpétuellement avec l’univers chaud, coloré de la lumière et du décor ambiant.


Sous la chaleur de Los-Angeles, l’univers froid, sordide et déshumanisé du mannequinat est dressé.
C’est dans ce L.A impersonnel et emprunt à l’individualisme que la jeune et solitaire Jessie arrive.
Elle n’a pas froid aux yeux.
Elle ne craint pas les dangers.
Elle croit en sa destinée.
La beauté et la jeunesse seront par nature les alliés de la victoire, avec en prime ce léger voile d’innocence qui sait attendrir les gens.


Pourtant, le chemin pour baigner sous la lumière des projecteurs est pour d’autres si long et douloureux (physiquement et mentalement) à parcourir. Mais une fois atteint, rayonner n’a jamais été aussi grisant. Une question reste en suspens : combien de temps la lumière restera braquée ? Quand les projecteurs se détournent, que reste-t-il si ce n’est des corps sacrifiés, affamés, au mental hanté par les gloires du passé.
Mais alors, qui tire les ficelles de cette histoire ? Il est bien ici question de ceux qui mettent en lumière. Concrètement, qui sont-ils ? le pouvoir des relations, les gardiens de la prouesse technique (photographie, costumes, maquillage…). Serait-ce donc eux les diaboliques ? Dans ce rôle, une mention particulière revient à Jena Malone qui brille à travers une performance oscillante entre bienveillance intéressée et furie douce.


La loi de la jungle règne dans le monde de la beauté. Aussi bouffer la jeune concurrence n’a jamais été aussi bien illustré. Il est ici question de faire disparaître l’autre, d’ingurgiter cet élixir de jeunesse et la rage au ventre, se satisfaire d’un rare moment de satiété. Œil pour œil, dent pour dent, la chasse s’apprécie autour d’un triangle mortel. Le trophée à partager ne sera que meilleur. Encore faut-il avoir l’estomac bien accroché.
Omniprésente dans le déroulé du film, la musique électro de Cliff Martinez aux tonalités métalliques, nous ferait presque sentir en bouche le petit relent cuivré de l’hémoglobine.


Ne voyez pas ce film d’un mauvais œil, il vous restera peut-être sur l’estomac mais vous en ressortirez avec un regard aiguisé.

Créée

le 17 août 2020

Critique lue 215 fois

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Alicia_87

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