Quelque part ce film qui pousse l’esthétisme à son paroxysme peut être perçu comme une ôde à la laideur, ou au moins à la médiocrité, à la banalité.


Jessie est jeune et jolie, et lisse comme un magazine du même nom.
Mais elle a un “je ne sais quoi” (comme diraient les français) de candide et de naturel qui la rendent immédiatement attirante aux yeux de tous.
Seulement voilà la beauté c’est comme le miel, ça attire les ours, les abeilles, les mouches, les fourmis, les vers de terre, bref impossible de faire le tri.
Elle a beau faire profil bas et jouer la gentille, tenter de surfer au mieux entre les alligators, elle galère quand même la petite.
Du coup on peine avec elle, ignorant si le démon du titre est celui incarné par la trop hypnotique beauté de l’héroïne, si c’est l’univers de la mode qui ensorcelle tout le monde et corrompt notre blanche colombe, ou si les démons sont tous les loups qui rodent autour de la prude Jessie.


Difficile et pourtant aucun personnage ne nous attire vraiment, tous ont un aspect rugueux, des aspérités même sous des tonnes de maquillage et des heures de chirurgie esthétique. Où qu’on regarde on sent que c’est louche.


Comme à son habitude, Refn utilise la musique comme arme d’immersion massive: envoyant des sons forts et saturés qui restent dans les oreilles même quand la musique cesse et participent pleinement au malaise général véhiculé par le film.
Les images jouent sur le même registre: passage stroboscopique, jeux de lumières et de miroirs hypnotiques qui s’impriment sur la rétine.


Visuellement le film est tenu de bout en bout, multipliant les scènes magnifiques qu’on aimerait photographier. Du vrai Refn quoi.


Elle Fanning incarne très bien l’oie blanche qui essaie de ne pas se faire avoir, on sent son évolution et l’affirmation de son pouvoir au fur et à mesure qu’avance l’intrigue, c’est bon de voir une héroïne qui arrive à s’affirmer “seule”. Même si on peut se demander si le personnage évolue réellement ou devient lui aussi victime du système.


Les autres actrices ne sont pas en reste, et on apprécie leur jeu.
Les acteurs ont moins l’occasion de s’exprimer mais globalement ils font le job.


Pour le reste c’est plus délicat: l’histoire est quelconque, le dénouement choquant et trainant un peu en longueur, le message difficile à saisir, et on a l’impression que le réalisateur a voulu faire du beau pour le plaisir de le salir petit à petit, sans doute pour montrer jusqu’où une quête personnelle de beauté peut nous faire chuter.


C’est louable mais la manière de faire manque de subtilité et le film se laisse regarder sans pour autant nous emporter.
Pourtant le premier plan m’avait totalement envoutée et j’étais prêt à prendre ma claque, au lieu de ça j’ai été un peu déçue même s techniquement il faut reconnaitre qu’on ne croise pas tous les jours d’aussi beaux produits.

iori
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le 3 sept. 2016

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iori

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