Produit par HBO et diffusé en 2014 sur la chaîne payante américaine, THE NORMAL HEART est l’adaptation sur écran d’une pièce des années 80.
Après une phase d’euphorie sexuelle et sociétale, la communauté gay d'occident et en particulier américaine va connaître en 1981 la fin d’une époque et cela de manière ô combien tragique : l’apparition puis la propagation à grande vitesse d’un rétrovirus appelé les premiers temps «cancer gay» - plus stigmatisant on ne peut pas faire.
La « libération gay » est atteinte de plein fouet aux États-Unis comme en France d’ailleurs, et la première réaction fut pour une majeure partie des homos, le déni. Et pour la plupart des gouvernements dont celui de Reagan, une indifférence totale mêlée de haine à l’encontre de cette population (mais aussi des haïtiens). Dans le film un personnage suggère même un complot d’état visant à détruire la communauté homosexuelle américaine.
Le téléfilm rapporte simplement et chronologiquement les faits entre 1981 et 1984 à New York - ville du monde où les cas ont été les plus nombreux au début de l’épidémie de ce qui deviendra le SIDA. Ce qui émeut, bouscule et révolte c’est avant tout la manière dont les premiers malades ont été traités (une scène éprouvante : Albert, comme le dit son compagnon, « jeté aux ordures » devant sa mère).
Hormis son côté pédagogique et dénonciateur, l’œuvre se veut surtout humaine.
C’est justement de son casting que vient la force d’un téléfilm digne d’une œuvre de cinéma - plus facile à vendre sur petit écran certainement même en 2014. Mark Ruffalo, en écrivain gay activiste et juif (ces détails ont leur importance dans ce qui fait le ciment du personnage) se montre magistral : il déploie une palette d’émotions qui donne le vertige : maladresse, peur, révolte, colère, amour, passion, solitude. Ned Weeks, est une grande gueule qui ne veut pas de compromis quitte à s'aliéner la plupart de ses amis: il hait la faiblesse et utilise le "outing" comme arme.
Il est secondé par un casting 4 étoiles : Matt Bomer qui se donne corps et âme à son personnage d’amant sacrifié (la transformation physique de Félix est terrifiante), Julia Roberts en médecin courageux, hargneux, débordant d’une compassion retenue est très bonne aussi et Jim Parsons est poignant par la sobriété de son jeu et cette pudeur à cacher les émois de son cœur (c’est un doux qui fait preuve d’une forme de courage physique lorsqu’il cogne un manifestant homophobe qui lui barre la route).
Même si, Ryan Murphy n’évite pas toujours le démonstratif (une scène de métro macabre), on peut reconnaître le courage de HBO à proposer au public une œuvre adulte (parfois assez « graphique » mais sans trop) qui ne fait pas de concessions à visée commerciale. En 1993 la même chaîne produisait déjà « Les soldats de l’espérance » qui traitait de l’apparition du SIDA mais dans une sphère plus internationale et scientifique et avec un casting digne d’un péplum des années 50.
Après plus de 35 ans de lutte contre le SIDA, la pandémie s’est hélas banalisée dans nos sociétés. On vit avec, les traitements sont plus efficaces mais il n’y pas de cure à ce jour. C’est pourquoi, ce téléfilm trouve sa place dans les années 2010. Il rappelle que des millions de personnes ont été emportées, toutes orientations sexuelles ou nationalités confondues.
On parle souvent de devoir de mémoire : il faut avant tout ne pas oublier comment le virus a fait tomber le masque hypocrite de beaucoup de personnes : du politique au vulgaire péquin. Le virus a révélé le côté sombre des gens : égoïsme des uns, haine viscérale des autres.
C’est pourquoi le titre du film est plus que criant : The Normal Heart. Oui c’est bien de cela qu’il s’agit : remettre le cœur (donc la dignité) au centre de cette tragédie et faire bouger les mentalités. La route est longue.