La fidélité entre le réalisateur Jaume Collet-Serra et l'acteur Liam Neeson est impressionnante. Imaginez un peu, l'un aime tellement filmer l'autre en nouvelle gloire du cinéma d'action que "The Passenger" représente déjà leur quatrième collaboration en moins de sept ans. Seulement l'est-elle au point de les rendre tous les deux victimes d'un Alzheimer précoce ? Parce qu'au bout de quelques minutes de ce nouveau long-métrage, il n'y a apparemment qu'eux qui ne semblent pas se rendre compte qu'ils sont en train de refaire "Non-Stop" mais cette fois dans un train !
Il y a des petites variations qui les ont peut-être induits en erreur évidemment : Neeson n'est pas policier de l'air (ça aurait été un poil bizarre en même temps) mais un ancien flic reconverti en agent d'assurances venant tout juste de perdre son job, l'annonce de la menace ne vient pas cette fois d'une voix mystérieuse au téléphone mais d'une inconnue en face à face (Vera Farmiga) et la finalité du challenge aux conséquences meurtrières imposé au personnage principal ne suit heureusement pas celle de "Non-Stop", de même que la nature des ennemis qui se cachent derrière.
Mais, à l'écran, "The Passager" déroule une structure scénaristique de manière si décalquée sur son confrère aérien qu'on en vient à croire que les deux hommes sont devenus gâteux ou, hypothèse plus vraisemblable, qu'ils ont décidé de ne pas trop se fouler en répétant au millimètre près une formule qui a fait ses preuves en matière de succès : une première partie forcément intriguante par ses prémices mystérieux (quoique celle-ci délivre beaucoup, beaucoup d'indices avec ces têtes trop connues pour n'être là que par hasard ou une caméra qui s'attarde très opportunément sur un reportage TV), un passage en revue de tous les passagers suspects se révélant aussi caricaturaux (coucou le trader exécrable, le type tatoué donc bizarre, une jeune rebelle car elle a le combo cheveux roses/piercings ou encore le contrôleur comique) que synonymes de gains de temps en fausses pistes, des moments totalement gratuits pour que Liam Neeson distribue son quota de bourre-pifs, une multiplication d'incohérences de plus en plus grossières (pour la palme du n'importe quoi, la dernière partie fait très très fort, on hésite entre le héros qui préfère mettre tout le monde en danger plutôt que de prendre la fuite avec la personne qu'il veut protéger ou, bien sûr, le méchant très méchant révélant son plan machiavéliquement secret devant une bonne dizaine de témoins) et, pour conclure tout ça, un final qui se doit d'apporter un côté plus spectaculaire que le reste à cette histoire invraisemblable.
Tout est là, comme dans "Non-Stop", alors, à moins d'avoir une passion folle furieuse pour les trains, à quoi bon payer pour redéguster un plat qu'on n'avait déjà pas vraiment apprécié dans les airs ?
Bon, on va espérer que Liam Neeson n'ait pas envie de faire de croisière parce que Jaume Collet-Serra est bien capable de l'accompagner pour le filmer et de faire une trilogie des transports avec une trame scénaristique identique. Mais là... Même le spectateur le plus naïf commencerait à voir qu'on le prend pour un bon gros pigeon boiteux...