Avec du recul, c’est presque avec effroi que je constate comme l’influence des jeux pour enfants tenait du formatage : à grand renfort d’un idéalisme héroïque aguichant, action et guerres en pagaille composaient une majeure partie du paysage adressé aux jeunes garçons, pour ne pas dire asséné. C’est ainsi que des films aussi moyens que The Patriot ou Pearl Harbor, encore qu’il me faille revoir ce dernier (mais j’en ai l’intime conviction) figuraient au rang de mes références d’alors, bien aidés par une « avidité » de découvertes propice.
Je ne ferai donc pas grand mystère du fin mot, que j’accorde, au film de Roland Emmerich, dont la simple mention est des plus évocatrices : mais, à défaut d’être un mauvais bougre, le cinéaste allemand semble faire montre d’une certaine générosité dans l’excès, son catalogue de blockbusters oscillant entre poncifs du genre, maladresses de fond et enrobage visuel grandiloquent.
The Patriot s’inscrit pleinement dans cet axe là, et confine au paradoxe tant il fait preuve d’ajustements historico-romancés propres à la grimace : sa complaisance non-feinte vis-à-vis de l’esclavagisme est à ce titre des plus marquantes, la plantation du père Martin en mode « colonie de vacances » éclipsant les quelques élans authentiques du tout (même si la discrimination à l’égard d’Occam n’est guère prononcée).
Et puis, que dire du manichéisme à l’œuvre tout du long ? Fort d’une mise en application outrancière, les Dragons Verts se voient érigés au rang d’antagonistes primaires à souhait, leur leader Tavington se repaissant littéralement d’une cruauté débridée : et quand bien même il s’agirait là d’une retranscription historiquement vérifiable (Banastre Tarleton), la manière dont The Patriot use de son antipathique personnage (parfaitement campé par Jason Isaacs, qui avait peut-être trop la tête de l’emploi) tend au jusqu’au-boutisme lisse, l’homme se trouvant réduit au rang de meurtrier perfide.
À trop vouloir surjouer l’aura cruelle du fameux « Boucher », tout ce schmilblick tape-à-l’œil dessert finalement les prétentions sensationnelles du récit, comme devait l’être l’épouvantable incendie de l’église : de la démonstration remuante au tour de force prévisible, il n’y a qu’un pas. Par effet de ricochet, l’ambivalence apportée au passif de Benjamin Martin paraît également désuet, le long-métrage s’emmêlant les pinceaux entre résurgences brutales (exécution des prisonniers), humanisme bancal et dérision superficielle ; l’intrigue ne s’encombre d’ailleurs que trop peu des contraintes inhérentes à toute guérilla, la milice de l’illustre vétéran ayant tôt fait de se muer en une... colonie de vacances, encore elle !
Le spectateur n’est de toute manière pas dupe quant aux aspirations de divertissement de The Patriot, qui s’arrange de l’Histoire afin d’en tirer l’essentiel ; pour autant, son casting plutôt investi et sa reconstitution formellement immersive de la Guerre d’indépendance des États-Unis compensent de leur mieux cette myriade d’errements invraisemblables, et sa propension supra-romancée ne saurait donc être assimilée à de quelconques biais malintentionnés (Robert Rodat, ici à la plume, à également scénarisé Saving Private Ryan).
Si The Patriot s’enlise souvent dans une surenchère attendue, bien épaulée par la bande-originale ronflante de John Williams, difficile en ce sens de lui en tenir vraiment rigueur : certes, c’est pataud, largement discutable et jusqu’au bout excessif (bille de plomb, duel final en grande pompe etc.), mais il s’agit mel et bien d’un bon mauvais film in fine. À revoir une fois pour la forme, et puis c’est tout.