Longtemps désiré, attendu, espéré, le Predator est enfin de retour. Et on espérait que dans son sillage, il n’oublierait pas ses lettres de noblesse cette fois. Une telle espérance tenait en un nom : Shane Black. Scénariste de génie, réalisateur capable et présent en tant qu’acteur dans le film culte de McTiernan. Oui, The Predator partait très bien. Trop bien. Et il laisse au final bien des plumes sur la ligne d’arrivée.


Beaucoup diront que c’était une très mauvaise idée. Qu’après avoir saccagé cette bestiole sacrée de la SF dans les Aliens vs Predator ou Predators, Hollywood ne devait plus toucher au fameux chasseur à dreadlocks. Ces derniers temps, faute d’originalité, Hollywood surfe sur ces succès d’antan, les remettant au goût du jour pour (surtout) le pire et (vainement) le meilleur. Ridley Scott a lui-même suicidé son Alien dans Covenant, Genysis a ridiculisé plus que jamais le Terminator, les dinosaures de Jurassic World font pâle figure… Les mythes revivent, se suivent et s’effondrent. En matière de suite de classique inattendue, seul le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve n’a pas à rougir de son aîné. Sans doute plus bafoué que la plupart, le Predator se devait de revenir et de ne pas décevoir (à nouveau). Si l’idée d’un énième revival fait toujours frissonné les fans à juste titre, l’association Shane Black + R-Rated promise par le studio promettait cette fois un retour à la hauteur des attentes.


Seulement voilà, tout ce qui est trop beau pour être vrai finit inévitablement par se casser la figure en route. Et la Fox a renvoyé tellement de fois le film en tournage pour des reshoots, dont un dernier tiers entièrement retourné, que The Predator ne pouvait qu’en pâtir en débarquant dans les salles. Son retour est vite qualifié de décevant, voire même de catastrophe. Pourtant le film partait bien, mélangeant à merveille l’ADN du monstre et la patte de Shane Black. La bestiole fait donc son retour dans une banlieue américaine avec, en plus de sa partie de chasse habituelle, un agenda bien particulier. Alors que des scientifiques adeptes de la coolitude veulent lui mettre la main dessus, un père va aussi se mettre en travers de la bestiole pour sauver son fils. Et dans son sillage, il entraîne avec lui tout un tas de soldats souffrants de stress post-traumatique. Tout un programme !


Tous ceux qui ont suivis le processus de création du film doivent avoir le même constat à la vue du résultat final : The Predator est un formidable rendez-vous manqué. Prometteur, le film l’est. Il est même plutôt solide dans ses 40 premières minutes. Shane Black déroule son intrigue et ses personnages avec fluidité. L’autre force du réalisateur / scénariste est de savoir qu’il ne pourra jamais recréer le génie de la mise en scène de McT ou l’aura de surprise qui planait sur le premier film. Black ne perd pas de temps et montre donc le Predator dans toute sa splendeur, rendant toujours justice à cette bestiole mythique. Avec un humour qui en déconcertera plus d’un, il emmène la saga vers d’autres horizons. Loin du thriller horrifique et fantastique de 1987, cette monture 2018 à tout de la comédie d’action saupoudrée de dialogues potaches et d’élans gores généreux. Le film l’est d’ailleurs, généreux, fun aussi. Amputé et ne tenant plus qu’en 1 h 40, The Predator n’ennuie jamais.


Malheureusement, comme annoncé, le film se casse la gueule dans son dernier-tiers. Il tombe dans une fin au classicisme prévisible, sacrifiant des intentions initiales sans doute bien plus intéressantes. L’une des grandes forces du film est bien évidemment sa bande de militaires déjantés, dont on sent que Black leur porte un véritable amour. Remodelé par le studio, le destin de plusieurs d’entre eux se voit bousculé, sacrifié. Certains peinent ainsi à exister, à toucher le spectateur. D’autant plus dommage que le casting tient superbement bien la route. On peut aussi regretter dans le changement de cap imposé par la Fox que le film se retrouve inévitablement victime de coupes trop visibles et d’idées qui ne se concrétisent pas. Dommage pour Black, qui en voulant faire du neuf avec du vieux, se voit comme dépossédé de son propre film. Cumulant certaines fautes de goût, comme un Ultimate Predator en CGI, ou même en flirtant avec le WTF complet (la scène finale), The Predator reste une proposition inédite dans le paysage Hollywoodien actuel. Une faute de goût oui, mais diablement euphorisante. Dommage que le public ne suive pas le mouvement, condamnant le chasseur de l’espace à retourner prendre la poussière sur les étagères de la Fox pour les années à venir…


Ticket ou Télé ? Ticket, parce que ce retour reste le meilleur du Predator depuis 1991.
Fun, décomplexé, projetant le Predator dans une toute autre direction, The Predator est un divertissement qui tient la route. Mais pour tout fan de la saga, il représente surtout une promesse non tenue. Par les choix de Shane Black pour certains, pour les coupes de la Fox pour d’autres. Film hybride, aussi jouissif qu’énervant selon les passages, on espère un jour voir le montage original du réalisateur refaire surface pour mettre tout le monde d’accord. Et surtout juger enfin The Predator à sa juste valeur.

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le 14 juil. 2021

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Valentin Pimare

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