Le téléfilm du Tour

Lance Armstrong s’est affirmé au cours des années 2000 comme l’un des plus grands sportifs de l’histoire. Rescapé d’un terrible cancer, le texan a remporté sept fois Le Tour de France sans pour autant oublier son passé à travers sa fondation LiveStrong qui a pu collecter des millions contre le cancer. Mais cette incroyable success story a pris fin en 2012, après des années de suspicion de dopage. Non, Lance n’était pas clean du tout.

Au premier abord, Lance Armstrong n’est qu’un lamentable salaud, le plus grand tricheur de l’histoire du sport. Derrière ces affirmations difficilement contestables, il s’agit pourtant de comprendre comment il a pu en arriver là. Plonger dans la psychologie d’un homme capable de mentir pendant presque quinze ans a de quoi fasciner car encore aujourd’hui, la colère d’Armstrong contre son sort, montre qu’il ne lâchera véritablement jamais. En même temps, quand on a la tête si dure et un mental de gagnant exacerbé, croire à ses propres mensonges ne devient finalement pas si impossible (un peu comme nos politiciens).

The Program raconte le parcours, la plupart du temps en off, de Lance Armstrong et de son fameux programme de dopage parfaitement huilé. De ses premières victoires sous EPO en Belgique jusqu’à son retour fatal en 2009, le film brosse un tableau complet de la carrière du coureur cycliste. Tous les grands événements y passent, même si certains passages sont sans doute fantasmés pour le bien de la narration comme les échanges en privée entre le coureur et le sulfureux Docteur Ferrari. Ceux qui ne connaissent pas les faits comprendrons ainsi dans les grandes lignes la chute inévitable du texan.

Pour cela, grâce aux droits du Tour de France, le film montre de fidèles reconstitutions de l’histoire récente du cyclisme. Ainsi, quelque soit l’année, on trouve tous les visuels et l’ensemble des équipements d’époque. Du cuissard US Postal aux différents maillots jaunes, il ne manque aucun détail. Cependant, cela n’enlève pas la sensation d’artificialité qui se dégage de The Program. Forcément, tout ces événements se sont passées il y a peu et les visages des protagonistes sont encore frais dans nos têtes. Alors, voir des acteurs pas franchement ressemblants jouer les grands noms du vélo a quelque chose de dérangeant. Une sorte de réalité parallèle que mêmes les prothèses de Ben Foster peinent à faire oublier. C’est bien cette frontière avec la réalité qui donne à

De plus, reproduire le sport au cinéma est quelque chose de particulièrement difficile. Rares sont les productions à avoir pu transcender ce qui est déjà une sort de pièce de théâtre, ancrée dans nos esprits par les retransmissions audiovisuels. La ferveur du Tour ne se retrouve pas dans les images où quelques figurants gentillets rappellent difficilement la folie qui entoure les ascensions dans les grands cols. Le réalisateur semble avoir compris cela en montrant des images d’archives afin, aussi bien d’ancrer son film dans la réalité, que par facilité de montrer les grandes étapes. Pour autant, on assiste à de célèbres conférences de presse réinterprétées qui n’apportent rien de plus aux originales, facilement visibles sur le web. Ben Foster a beau avoir travaillé son rôle et les mimiques d’Armstrong, on cherche l’utilité réel de la manière dont le film est scénarisé.

En effet, tout ce que l’on apprend là se trouve dans le bouquin du journaliste David Walsh. Mais c’est surtout le documentaire Le Mensonge Armstrong d’Alex Gibney qui s’affirme comme la parfaite production vidéo sur le sujet. Lance Armstrong ayant lui même participé à ce projet, on plonge véritablement dans la psychologie de l’homme à travers des interviews confessions aux deux périodes de sa carrière : le mensonge puis les explications. Cette ambivalence ne se sent pas dans The Program qui se contente plus de montrer les faits que de les expliquer. Une fois encore, le documentaire explique la même chose mais avec tous les éléments qui tentent de percer le mystère. Et là, les images rares, les interviews, les conférences de presses et celles de la course à la télé sont autant d’arguments nous plongeant dans la réalité des faits.

Rempli de bonnes intentions, The Program revient avec justesse sur les grands moments de la carrière de Lance Armstrong. Néanmoins, la sensation de reproduction artificielle qui se dégage du film laisse à penser qu’il était sans doute trop tôt pour se pencher de telle manière sur le sujet. N’apportant rien de plus (au contraire) que le parfait documentaire Le Mensonge Armstrong, Stephen Frears n’a pas réussi à nous plonger dans la psychologie du coureur. La faute en partie à l’étrangeté de voir des acteurs pas franchement ressemblants jouer Lance, Floyd Landis (un peu trop innocenté d’ailleurs), Frankie Andreu ou le Docteur Ferrari interprété par Guillaume Canet (pourquoi ne pas avoir pris un acteur italien ?!). Malgré tout cela, blâmer The Program ne serait pas totalement honnête car les films sur le sport sont relativement rares. Il a la mérite de poser sur grand écran une part de la complexité de la situation où la ferveur derrière Armstrong et Le Tour se confond avec le dernier héritage du vélo 90’s où les types étaient chargés comme des mules. Une période qui a aussi permis de considérablement changer ce sport à l’heure où une nouvelle génération de cycliste monte sur la selle. Un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour le cyclisme ?