Un film qui se lit en sautant une partie...

The Reader ou bien le troisième film de Stephen Daldry (après Billy Elliott et The Hours), qui adapte ici le best-seller de Bernhard Schlink, Der Vorleser (Le Liseur en français). Livre qui traite de la Shoah à partir d’une histoire d’amour à scandale (celle entre un jeune adolescent et une femme ayant le double de son âge). Un beau sujet qui sentait les Oscars ! Mais a-t-il mérité d’être nominé pour 5 catégories ?

Allemagne de l'Ouest, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un adolescent, Michael Berg, fait par hasard la connaissance de Hanna, une femme de trente-cinq ans dont il devient l'amant. Commence alors une liaison secrète et passionnelle. Pendant plusieurs mois, Michael rejoint Hanna chez elle tous les jours, et l'un de leurs jeux consiste à ce qu'il lui fasse la lecture.
Ce qui n’est pas dit dans ce synopsis et qui pourtant doit se savoir en regardant le film, c’est que notre bonne Hanna a été gardienne de prisonniers Juifs durant la guère et que cela, Michael va l’apprendre lors d’un procès de crimes Nazis, Hanna étant sur le banc des accusés ! Fait essentiel de l’histoire qui doit être mis en valeur, tant le film et donc le livre tendent à rendre cette histoire d’amour peu banale. Non pas l’âge des personnages concernés, mais par le chemin qu’elle va prendre dès les terribles révélations. Et même si le sujet de la Shoah règne durant la seconde partie du film avec les fameuses questions « faut-il pardonner ses bourreaux ? » ou encore « à-t-on eu raison de décerner l’image de Nazi à tous les Allemands de l’époque ? », cette romance reste au cœur même de l’histoire (notamment dans la première partie), qui va jusqu’à humaniser le monstre qu’est finalement Hanna. Vous l’aurez compris, la seconde partie est la plus intéressante, la plus puissante. La première, par contre, l’est moins… À cause du fait que le film prend aussitôt des airs de film romantique sans grande originalité, sorte d’initiation sexuelle d’un jeune garçon, qui repose essentiellement sur une multitude de séquences de nu qui sentent l’overdose, qui n’apportent rien à l’ensemble (si ce n’est une ambiance érotique dispensable) et rendent la première heure au combien répétitive (on se voit, on couche, on lis, on se voit, on lis, on couche). Pour se demander vraiment, au final, pourquoi cela s’appelle The Reader (le héros qui lit devenant anecdotique). Heureusement, la dernière partie reste bouleversante dans son propos qui prend enfin de l’ampleur, accompagnée de flash-back qui complète incroyablement le récit et le personnage de Michael. Mais avant cela, il faut attendre une heure d’inutiles ébats… Également dommage que l’ensemble soit « américaniser », la langue parlée étant l’Anglais et non l’Allemand (comme l’a fait Mel Gibson sur La Passion du Christ et Apocalypto et plus tard Angelina Jolie sur Au Pays du Sang et du Miel), ce qui aurait apporté plus d’impact à l’ensemble.

Sinon, il n’y a rien à dire de mal sur ce film, qui possède une mise en scène plutôt posée, renforçant l’émotion au possible. En plus d’une jolie musique composée par Nico Muhly. Mais ce qui fait surtout la force de The Reader, c’est sa distribution. Des acteurs qui excellent, dont le jeune David Kross, naturel et juste. Ralph Fiennes, qui rappelle que les rôles de pourritures (Voldemort, Francis Dolarhyde, Amon Göth et Adès) passent après des interprétations plus profondes et romantiques. Et enfin, la grande Kate Winslet, qui inonde par son talent chaque image du film. Récompensée par l’Oscar, le Golden Globe et le BAFTA de la meilleure actrice, elle arrive à rendre touchante et surtout humaine ce bourreau de la Seconde Guerre Mondiale, au point qu’il nous est difficile de vouloir la punir de ses crimes. Notamment durant sa lourde de peine en prison, où l’actrice se vieillit naturellement de manière remarquable, en plus d’un maquillage réussi. Comme quoi, un détail aussi technique n’est finalement rien sans la prestation du comédien qui le porte !

Que dire au final de The Reader ? C’est un beau film, il n’y a pas de doute ! Vu le sujet, l’interprétation, la mise en scène… Et pourtant, j’ai quelques réserves envers ce long-métrage à cause de sa première heure consacrée exclusivement à de l’amour quelconque, de l’érotisme dont on aurait pu se passer et qui nous fait surtout perdre du temps alors qu’une vingtaine de minutes auraient amplement suffi ! Et encore ! Vraiment dommage…

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