Est-ce qu'un jour tout aura été dit sur le nazisme ? Ce film fait espérer que non. Un jeune allemand chope la scarlatine en 1958, pas de quoi casser trois pattes à un canard. Sauf que ses vomissements vont lui permettre de rencontrer une femme plus âgée que lui... et leur histoire courra jusqu'aux années 80, avec un rebondissement incroyable, qui va propulser leur liaison au demeurant assez banale du côté de la tragédie grecque. Toute la première partie, baignée d'eau et d'une lumière sublime, transcende la laideur des décors d'une Allemagne laissée exsangue par ses rêves de grandeur avortés. Le héros a cette jeunesse qui protège de tout, et il en fait l'usage que les jeunes gens en font, avec une obstination confinant à l'obsession. Hanna, pour sa part, est d'une opacité troublante, qui aurait arrêté tout autre amant, mais l'innocence de Michael le protège de ses humeurs étranges et de ses motivations impénétrables. Et le temps passe inexorablement, comme dans toutes les vies, de la plus minuscule à la plus remarquable. Pourtant, son œuvre n'est jamais vraiment prévisible et c'est là que le film bascule vers la méditation sur l'oubli, un joli thème assez peu souvent traité. On y verra peut-être davantage un film sur l'Histoire ou la Justice mais, en fait, il me semble qu'il s'agit davantage d'une sorte de rêverie sur la mémoire, et c'est cette sous-couche poétique qui rend la 2ème partie si émouvante, parce qu'au delà de la problématique de la réconciliation nationale, il y a aussi la gestion individuelle des charges émotionnelles du passé. Ce croisement entre la grande Histoire et les destins anonymes est toujours d'une fertilité folle, et la toute fin de ce film le rapproche des plus grandes œuvres, celles qui balisent l'histoire du cinéma et aussi nos routes de cinéphiles. Le regard de chien battu de Ralph Fiennes fait merveille et constitue un écho fataliste à celui de Kate Winslet, immense actrice qui sait humaniser une inquiétante rigueur par des failles fugaces presque invisibles... un travail d'orfèvre d'une subtilité qui émerveille. Autant dire que la fréquentation d'artistes semblables élève, le spectateur autant que le débat. Et ça, ça fait un bien fou et ça console de l'accumulation contemporaine de couches épaisses de médiocrité et de sottise. Pour un peu, je croirais un rebond possible.

ChristineDeschamps
10

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le 18 nov. 2018

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