Si Inarritu s'inspire de faits réels pour la constitution de son film, il s'éloigne quelquefois lourdement de l'histoire de Hugh Glass, le trappeur dont il s'inspire. Si ces digressions ne sont pas en elles-mêmes condamnables, elles sont toutefois révélatrices de la soupe morale indigeste que le film essaie de nous faire ingurgiter de force.


Soucieux de fonder moralement l'odyssée du trappeur, Inarritu lui donne un fils fictif, à moitié indien, que l'antagoniste ultra typé, Fitzgerald prend tout de suite en grippe, pour ensuite le tuer de manière absurde (merci pour le matraquage manichéiste propre à Inarritu et ses pseudos discours fédérateurs, on se rappelle le trafic de sentimentalité navrant que constitue "Babel").


La mort du fils constitue un motif pseudo-légitime à la quête de vengence d'un Glass à l'agonie extrême (irréaliste, pathétique dans son exagération infinie), là où le film aurait pu se contenter d'observer un groupe d'homme s'entre-déchirant dans une nature hostile, il doit se badigeonner d'un vernis moralisateur grossier et simpliste.


Le comble est atteint par Inarritu dans la scène finale de son film, il y délègue le meurtre du "monstre" (meurtre soit dit en passant aussi imaginaire que le fils de Glass) à une sorte d'autorité naturelle, à une spiritualité omnisciente, archaïsante au possible. Les natifs se font le bras armé d'un dieu vengeur, juste par essence, s'élevant au dessus de la morale humaine et réalise les pulsions vengeresses de Glass et du spectateur sans les entacher de quelque manière que ce soit de l'acte de tuer. On sort du film immaculé, conforté par l'idée que même les dieux étaient de notre côté dans cette quête en identification forcée avec le personnage de DiCaprio.


Et la forme dans tout ça? Rien de bien novateur, filmer à "l'heure magique", se croire virtuose de la photographie parce qu'on sait mettre des sources de lumière aveuglantes dans le bord du cadre pour former un effet de flare, en somme matraquer une esthétique délavée, lisse au possible, d'une impersonnalité glaçante. Et des plans d'arbres avec des ciels, encore et encore, sans originalité, on croirait voir un prospecteur de fonds d'écran mac à l'oeuvre.


Ne parlons même pas des abrutis d'occidentaux et de leur rapport déconnecté à la nature, à sa "vérité" (sauf pour DiCaprio, lié à cette dernière de par son union avec les natifs, eux bien sûr en communion totale avec leur monde, extension naturelle de ce dernier, manichéisme primaire disait-on?)


Le film ne démérite cependant pas tout le temps, et on peut reconnaître à l'image une bonne lisibilité dans les scènes d'action, même si parfois trop grandiloquente ou mégalo.


En somme, une bonne purge moralisatrice au vernis esthétique nauséabond.

kraut-rocks
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le 29 juil. 2016

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