The Revenant était probablement LE film sur lequel je misais une bonne partie de mon année 2016. Malheureusement, comme l'apprend à ses dépens John Fitzgerald (Tom Hardy), il est mal avisé de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.


Comme on serait en droit de s'y attendre, The Revenant démarre sur les chapeaux de roue. La scène d'ouverture est plutôt convaincante, nous plongeant au cœur d'un jeu de survie effarant, où chacun doit fuir ou tuer pour ne pas être tué à son tour. A moins d'avoir l'expérience de Hugh Glass (le trappeur joué par Leonardo DiCaprio), survivre à la merci d'Indiens vindicatifs et d'une nature impitoyable semble relever de l’impossible.


On pourrait croire qu'il y a là de quoi tenir effectivement l'un des films de l'année; hélas, The Revenant souffre de défauts tellement évidents qu'il en devient grossier.


Pour mettre lesdits défauts en exergue, je me vois obligé de passer par la case fiction vs réalité – réalité qui à mon sens aurait donné un film bien plus intéressant.



ATTENTION SPOILERS



L'histoire commence lorsque Hugh Glass est grièvement blessé par un grizzly et laissé pour mort par deux de ses camarades, Jim Bridger (19 ans) et John Fitzgerald (38 ans):



  • Dans le film, Fitzgerald – introduit dès les premières minutes comme étant un salaud de première qui hait les Indiens et ne songe qu'à s'enrichir et sauver sa peau au dépens de ses camarades – assassine le fils métis de Glass sous les yeux de ce dernier, qui a déjà perdu sa femme des années auparavant, tuée par des colons sanguinaires; dans les faits historiques, Glass n'a ni femme ni enfant et est inconscient lorsque ses camarades l'abandonnent.

  • Dans la réalité, Glass "soigne" ses blessures en plaçant son dos contre une souche pourrissante pour que les asticots mangent la chair morte et se repaît de carcasses d'animaux pour survivre; dans le film, Leo se fait un abri de fortune d'un cheval désentraillé au cours d'une scène à mi-chemin entre Man vs Wild et L'Empire contre-attaque.

  • Dans la réalité, Glass mets six semaines à parcourir 320 km jusqu'à la Cheyenne, où il se construit un radeau de fortune pour rejoindre Fort Kiowa; dans le film, son périple semble à peine durer quelques jours et est facilité par l'aide quelque peu forcée de coureurs des bois malintentionnés.

  • Dans la réalité, Glass se remet de ses blessures après une longue convalescence et se lance à la poursuite des responsables de son calvaire. Après les avoir retrouvés, il les épargne finalement et récupère le fusil que Fitzgerald lui avait dérobé. Dans le film, Glass est remis sur pied au bout de quelques heures, affronte Fitzgerald en combat singulier et finit par le vaincre. Mais au lieu de porter le coup de grâce, Glass, se remémorant les paroles sages qu'un indigène amical lui a dites, laisse son ennemi à la merci d'une tribu d'Arikaras, qui l'achèvent.


EN DEUX MOTS.


L'on aurait pu avoir un film magnifique, un voyage initiatique amorcé par le désir de vengeance, se concentrant sur la survie et se concluant contre toute attente par le pardon - certainement l'un des thèmes les plus risqués à adapter au cinéma, mais aussi l'un des meilleurs s'il est exécuté avec brio. Et bien sûr, ce voyage aurait été agrémenté par de sublimes images d'une nature sauvage et inhospitalière.


Au lieu de ça, on a:



  • Un réalisateur qui s'attarde sur ses prouesses techniques au lieu de privilégier son histoire (et au passage, on a vu bien plus impressionnant chez ses compatriotes Cuarón et Del Toro, entre-autres)

  • Un scénar qui en fait trop, rajoutant des storylines dont on se serait fort bien passé (les Arikaras qui interviennent beaucoup trop souvent, ça va deux secondes) et des propos qu'on nous rabâche sans cesse (on sait tous ce que les colons ont fait subir aux Indiens, pas besoin de nous le rappeler) au lieu de se concentrer sur la solitude et la souffrance d'un seul et même homme

  • Des éléments insignifiants qui n'ont aucune valeur (le fils de Leo qu'on voit trop peu pour s'y attacher ou les flash-backs intempestifs façon Gladiator de sa défunte épouse)

  • Des personnages manichéens et clichés au possible (les seuls individus pires que Fitzgerald sont les colons Français - comme par hasard - qui pendent le seul Indien sympa du film et violent des squaws à leurs heures perdues)

  • Un film au propos indécis, nous acheminant vers une quête d'auto-justice pour finir sur un truc du style "seul le Tout-Puissant décide"


(en réalité la même tribu d'Indiens qui fout sa merde depuis le début du film)



  • Un film qui prétend rendre hommage à de grands maîtres du contemplatif (on parle de Tarkovski ou de Terrence Malick), sans jamais parvenir à mettre le doigt dessus.


Je ne vois qu'une seule chose à sauver dans ce fatras déconcertant: les acteurs. Tous ont fait leur boulot comme il faut. Leo se donne à fond et n'a pas volé son oscar (même si l'on se souviendra de lui pour d'autres prestations), Tom Hardy impressionne une fois de plus de par son énergie (un exploit pour un rôle aussi limité), Will Poulter s'en sort bien et Domnhall Gleeson s'est considérablement amélioré.


Au final, si The Revenant est rangé dans la catégorie des meilleurs films de 2016 et son réalisateur couronné nouveau porte-étendard d'Hollywood, grand bien leur fasse; pour ma part, je préfère largement revoir des films comme Ravenous, Jeremiah Johnson ou encore Legends of the Fall, bien moins à côté de la plaque.

reastweent

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8

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