The Revenant avait déjà impressionné après de menues informations et quelques visuels léchés. Rien ne saurait pourtant préparer le spectateur à ce qu’il découvrira en salles le 24 février prochain.


Couvert d’Oscars l’année dernière pour son formidable Birdman, Alejandro González Iñárritu fait désormais partie de ces réalisateurs qui comptent. Ce mexicain de 52 ans, qui verse habituellement dans le film choral, recentre ici son propos sur un destin unique. Procédé qui lui avait réussi dans le très touchant Biutiful, et a fortiori avec Birdman.


The Revenant signe une sorte d’aboutissement. La croisée des chemins entre un cinéma d’auteur flamboyant et l’universalisme du blockbuster grand public. Mais plus que le film de son réalisateur, The Revenant est incarné de toute sa personne par un Leonardo Di Caprio au sommet, qui plus jamais n’offrira une performance aussi exigeante à son public.



Vendre la peau de l’ours



Hugh Glass (Leonardo Di Caprio) est un trappeur americain ; l’éclaireur de l’expédition du capitaine Andrew Henry (Domnhall Gleeson), chargée de récupérer des fourrures à des fins commerciales. En 1823, dans une Amérique glaciale et sauvage, les indiens Arikaras règnent toujours en maîtres, et s’en prennent régulièrement aux trappeurs. Après un assaut particulièrement dévastateur, qui rincera à grandes eaux le contingent d’hommes de l’expédition, Hugh Glass est mutilé par un ours et laissé pour mort par John Fitzgerald (Tom Hardy).


Une thématique vengeresse tout ce qu’il y a de plus simple. Et pourtant. The Revenant est probablement le film le moins écrit d’Alejandro G. Iñárritu, c’est aussi le plus viscéral. En réduisant sa focale à un personnage unique, le réalisateur se fait universel, propose à son public de s’immiscer dans ces steppes glacières d’une Amérique méconnaissable. Une histoire de vie, de mort, de renaissance. Un survival qui prend aux tripes et qui ne renonce à aucune barbarie sonore ou visuelle.


The Revenant emprunte au Western son amour des grands espaces et sa thématique simple. Un homme, un but, une confrontation. Une linéarité qui n’obstrue jamais le régal visuel de chaque scène, qui vous fait quitter la salle avec un seul mot en bouche : virtuose. Virtuose car Iñárritu libère sa réalisation de tout impératif. La photographie d’Emmanuel Lubezki n’a jamais été aussi propice au ravissement, et pourtant l’homme a du métier (Les Fils de l’Homme, Tree of Life, …).



Vie, mort, et re-vie derrière



Simple donc creux ? Alejandro G. Iñárritu nous offre la preuve du contraire, et dans la longueur. Avec ses 2 heures 40 au compteur, The Revenant nous conte une odyssée ; l’histoire de la renaissance d’un homme confronté à une nature encore plus opiniâtre qu’il ne l’est. Plus vrai qu’un épisode de Man versus Wild avec Bear Grylls, le dernier film d’Iñárritu est une usine à Oscars. Impossible, cependant, de jeter l’anathème sur le réalisateur ou sur sa tête d’affiche. La dévotion est totale, des deux côtés de la caméra.


Léonardo Di Caprio aura-t-il enfin sa statuette avec ce rôle majuscule ? Peu importe. Il sait au fond de lui qu’il vient de boucler le tournage le plus éprouvant de sa carrière, l’incursion la plus authentique qui soit dans un personnage de fiction. Il ne reste rien de l’acteur dans The Revenant. Il est en miettes, éparpillé comme autant de gouttes de sang sur le tapis blanc qu’offre cette Amérique enneigée. Le martyr que subit Leo nous fait espérer qu’une mention « aucun acteur n’a été blessé pendant le tournage du film » défile durant le générique.


C’est avec la sensation d’avoir vécu une expérience inédite que l’on ressort de la salle. Un vrai film de cinéma, pour lequel la découverte sur un écran d’ordinateur ou une télévision ne rendrait pas honneur. Il faut au revenant une salle comble, un écran à la commune démesure des plans vertigineux, et un soundsystem qui vous fasse vibrer l’échine à chaque note du score méticuleux de Ryuichi Sakamoto. Ce n’est qu’à cette condition qu’Alejandro González Iñárritu accomplira son rite, et fera sortir de son tombeau ce cinéma accessible, frissonnant, démonstratif et viscéral auquel tout cinéphile aspire.


The Revenant est le film le plus total de la carrière d'Alejandro González Iñárritu. Une oeuvre qui vous tarte pendant presque trois heures, qui vous masturbe l'oeil et vous scotche à votre siège. Le scénario qui tient sur un timbre poste ? Il vaut mieux ça. Le ravissement visuel se suffit à lui-même. Un régal, une démonstration de force. Un futur classique.


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le 13 janv. 2016

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