Ce film me laisse finalement un goût assez mitigé ; d'un côté je ne peux que louer les qualités de réalisateur d'Alejandro González Iñárritu, tout comme la prestation de Leonardo DiCaprio, de Tom Hardy, et des autres, d'une précision et d'une justesse fantastiques ; néanmoins, je regrette certaines faiblesses scénaristiques qui amputent au film la singularité qu'il aurait pu se donner. Entendons-nous : c'est plus une légende que le récit de faits historiques qui est ici racontée. Le film prend d'épaisses libertés sur la réalité pour nous offrir une histoire re-visitée, fantasmée selon certaines inspirations - je n'ai pas lu le livre d'après lequel est adapté ce film, et je ne sais pas si les faiblesses scénaristiques que je vais pointer du doigt sont plus l'oeuvre du romancier que des scénaristes, aussi peu m'importe qui en est responsable, le fait est que je les ai senties - ; je disais donc, que des libertés soient prises par rapport aux faits, artistiquement, rien de plus normal ; en revanche, ce qu'elles donnent à voir m'ennuie un peu plus. Malheureusement, la quête de vengeance de Hugh Glass tourne, à la fin, en un sens, presque au "cliché", au déjà-vu, au sentiment commun éprouvé mille fois au cinéma ou, plus généralement, dans l'histoire du récit. C'est regrettable parce que c'est ce qui fait défaut au film ; et je crois que celui-ci n'aurait été que meilleur si l'on n'avait pas eu, vers la fin, à pénétrer la soif de vengeance qui anime Hugh Glass, assez pauvre, tout à coup si banale, ordinaire. C'est-à-dire que, tout le long du film, DiCaprio interprète avec brio cet étrange personnage silencieux, figure convaincante et haute du marginal : aussi, quelle déception de le voir ensuite mettre des mots sur son sentiment ! Lui, tantôt si imprenable, si admirable, m'apparaît tout à coup un peu fade ; je ne peux m'empêcher de me dire : "il ne ressentait que ça", avec la désagréable impression que le personnage n'est pas présenté dans toute sa géniale complexité, et réduit seulement à un vengeur qui se sent mort parce qu'on lui a pris son fils. Comment dire ? Oui, c'est réducteur, parce que ce sentiment de vengeance nous ait en quelques sortes donné comme la seule clé permettant de motiver la survie de Hugh Glass ; or il n'y avait pas que cela à explorer, et je regrette que le verbe n'ait pas aussi bien mis en relief les ressentis de Hugh Glass que ne l'a fait la réalisation.


Enfin, dans l'ensemble, cela reste un film honorable, et j'ai été conquis par la propreté, la virtuosité des plans-séquences. Et puis DiCaprio campe admirablement bien la Souffrance - puisque c'est bien essentiellement la souffrance qui est ici interprétée.

oGeoffrey
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le 29 févr. 2016

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oGeoffrey

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