Le film doit beaucoup à sa réalisation millimétrique, le directeur de la photographie lubezki importe le style de Terrence Mallick ( utilisation massive du grand angle, tournage en décors naturel, utilisation du contre jour) qu'Inaritu utilise pour écrase ses personnages sous le poids de la nature que cet écrasement soit physique ( après tout c'est un "survival") ou plus métaphysique (les diverses scènes de rêve). C'est précisément sur cet dimension métaphysique de la nature que le bât blesse, on est loin des maitres du genre Andreï Tarnowski (dont Inaritu n'hésite pas à citer de nombreux plans), Terrence Mallick et Jim Jarmush ( Dead Man). Jamais le film n'arrive à montrer le changement de Glass à travers sa survie alors que c'est pourtant l'enjeu de la fin du film, les rêves sont impeccablement filmé mais peinent à dépasser leur nature de pur artefacts esthétiques vides d'expression. Le film souffre également d'un lissage du personnage principal assez malheureux, l'ajout du fils indien donne à Glass un motif de vengeance, sa présence apporte au film quelques belles idées de réalisation (la buée sur la lentille), cependant le film aurait pu tout à fait se passer de son existence, on peut même considérer qu'il affaiblit le film en donnant par sa mort un motif clair de vengeance il rend le personnage de Glass moins complexe, en effet dans la première adaptation cinématographie de l'histoire Le convoi sauvage et dans le roman tiré de cette même histoire, la mort du fils est absente. Le motif de la vengeance de Grass est alors simplement son abandon par ses compagnons ce qui permet d'avoir un vraie opposition entre Grass et Fitzgerald, le premier voulant simplement se venger d'un homme qui a voulu sauver sa vie en abandonnant un homme qu'ils considérait comme impossible à sauver. Alors que dans le film le personnage de Fitzgerald n'est qu'un méchant très méchant sans réel intérêt. En outre le film souffre d'une bande-son dont la lourdeur n'a d'égal que l'inutilité, elle ne fait tout au long du film que caricaturer les sentiments exprimés les images et montrer aux spectateur que cette scène est bien un flashback tout en lui tapant gentiment sur l'épaule pour lui dire que là il peut pleurer. Leonardo DiCaprio fait admirablement vivre le personnage de Glass donnant toute sa force à cet homme qui durant le film ne survie que pour se venger, personnage silencieux et physique tout en grognements c'est la force de sa vengeance à défaut de son évolution qui font le film.


Son effondrement à la toute fin du film après avoir causé la mort de Fitzgerald en est la preuve la plus flagrante, Glass ne vit que pour sa vengeance et dès que celle-ci est assouvie il meurt de blessure légère (par rapport à celles infligées par le grizzli).


C'est ce thème de la vengeance qui est le mieux développé par le film, il est exploité dans la scène du grizzli qui semble sous-entendre que la nature ne se venge pas.


En effet le Grizzli semble simplement vouloir empêcher Glass d'attaquer les oursons et ne le blesse gravement uniquement parce que celui-ci l'attaque, cette scène de Grizzli est presque un résumé du film à venir, la "vengeance" que Glass veut exercer contrer le Grizzli le détruit physiquement tandis que celle contre Fitzgerald finit par le dissoudre psychologiquement. C'est la vengeance qui tient en vie le personnage qui paradoxalement le tue. Cette réflection sur la vengeance est aussi développé à travers le personnage du chef indien cherchant sa fille, l'opposition se développe entre celui-ci et Glass, l'un voulant venger la mort de son enfant, l'autre le retrouver.


Le film échoue de peu, malgré sa réalisation d'un académisme génial il pêche par sa musique et surtout par son incapacité à relever l'enjeu de la spiritualisation de la nature, les scènes y sont pourtant, elle sont sensée marcher car elles ont déjà été pour la plupart testée par Tarkowski mais la sauce ne prend pas peut être parce que la simple réutilisation d'un cadrage ne permet pas la conservation de sa puissance évocatrice, ceux-ci étant réduit à la confusion entre le beau et la perfection technique. Le thème de la vengeance est alors le seul correctement exploité par le film mais il souffre de l'aseptisation partielle de Glass et du personnage caricatural de Fitzgerald. Ainsi le film impressionne plus par ces effets technique qu'il n'émeut, réfléchit. La nature apparait une dernière fois comme négligée par le film, c'est l'habilité à la représenter qui semble être au cœur des images et non sa force spirituelle contrairement à ce qu'Inaritu veut nous faire croire.

Pierre_Lamarque
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le 29 févr. 2016

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Pierre Lamarque

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