Marche funèbre
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le 25 févr. 2016
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On ne voyait pas Alejandro González Iñárritu prendre cette voie, et pourtant. Son cinéma, devenu plus grandiloquent et démonstratif depuis Birdman, a pris un vrai tournant. Ni meilleur, ni moins bon. Quoique. Serait-ce le poids des Oscars qui a fait pencher la balance du côté de la démonstration et du m’as-tu-vu ? Peut-être. Après Babel, le cinéaste a définitivement enterré les scénarios à tiroirs de Guillermo Arriaga pour recentrer sa filmographie exclusivement sur des hommes. Ici, Hugh Glass. Trappeur laissé pour mort après avoir combattu un grizzli.
La nature a rarement été filmée de manière aussi viscérale. Tourné en lumière réelle pour renforcer l’immersion du spectateur, The Revenant recèle d’un décor aussi dangereux qu’époustouflant. C’est bien ce paysage originelle qui influe directement sur le rythme du récit. C’est toujours lui qui guide Glass vers des chemins tantôt tortueux, tantôt salvateurs. Sous un ciel menaçant et sans couleur qui semble écraser des protagonistes rongés par la vengeance et la culpabilité, les contre-plongées du Mexicain sont radicales. Censées renforcer l’effet dominateur de l’homme, ces techniques soulignent au contraire la vulnérabilité de l’être humain face à ce milieu hostile.
Leonardo DiCaprio, dont il est inutile de tailler un costume dans lequel il est déjà solidement installé, incarne toutefois la quintessence de tous ses rôles antérieurs. En somme : un homme au-dessus du lot, habité par ses convictions, hypnotisé par la tâche qu’il s’est imposé, démoli à petits feux par ce qui l’entoure. Face à lui, Tom Hardy fait le job. Et c’est peut-être la plus grande déception de The Revenant. Interprétant l’homme à abattre, cela aurait pu être l’un des rôles majeurs de sa carrière. Il n’en sera rien. Englouti par la présence (artistique et médiatique) de son collègue, le Londonien apparaît comme une ombre de lui-même sans jamais réussir à transcender son personnage.
Si de son côté, la technique d’Iñárritu a évolué avec des plans-séquences se rapprochant de l’ambition formelle de son confrère Cuarón (Les fils de l’homme, Gravity), ses thèmes sont néanmoins restés les mêmes. Par essence, l’homme est un pêcheur qui combat toute sa vie pour conserver sa part d’humanité. Hugh Glass ne déroge pas à la règle du réalisateur et lutte pendant plus de deux heures et demie pour survivre, d’abord. Mais aussi pour se venger d’un homme qui lui a tout pris.
Sans entrer dans les détails d’une fin déroutante, que symbolise réellement le regard caméra (faisant l’effet d’une bombe) de DiCaprio adressé aux spectateurs ? Veut-il, par ce geste, que le public l’absolve de ses pêchés ? Son personnage n’est-il pas aussi blâmable que l’individu qu’il traque ? Finalement, qui sommes-nous pour juger de leurs actes dans un monde inconnu, aux règles de survie hostiles et meurtrières ? Mère Nature impose sa loi du plus fort. Soit nous la suivons, soit nous tombons.
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Créée
le 9 mars 2016
Critique lue 182 fois
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