Le lent et douloureux récit des multiples résurrection de Hugh Glass font de The Revenant un roman d'aventure à la beauté grave et solaire. L'image flottante d'Emmanuel Lubeski possède ainsi la qualité douce et épuisante de la lumière naturelle, la cruauté et la majesté des paysages du Grand Nord. L'ouverture, à demi-spectracle, où la caméra affleure un cours d'eau avant de capturer l'attaque soudaine d'une tribu indienne contre le campement de coureurs des bois, nous montre alors toute l'étendue du talent d'Inarritu dans son rôle de chef d'orchestre. La foule détails qui constituent l'arrière-plan de cette scène, le déplacement calme de la caméra au milieu du chaos et des figurants, donnent une belle impression de maîtrise. De même, le cadre de The Revenant ne semble jamais soumettre la nature à ses désirs mais laisse bien plutôt son objectif capturer sur son chemin l'univers et les esprits qui le composent. On pourrait ainsi voir dans l'acharnement avec lequel Hugh Glass (Leonardo Di Caprio) s'accroche à la vie, dans l'unique but de satisfaire son désir de vengeance, la détermination du scénario à ne jamais céder à la facilité pour ouvrir le chemin à son personnage. En effet, la succession effrayante et quasi surnaturelle des épreuves que traversent le trappeur au cours de son périple modèle autant son corps (tel un Christ lorsqu'il s'extrait de la jument à l'aube) que celui du spectateur, tenu près de trois heures en haleine pour observer le destin s'acharner sans répit. Ainsi, The Revenant possède les qualités d'un grand roman d'aventure, sans même contenir de réels dialogues – ou si peu. La capacité monstrueuse de Hugh Glass à réssuciter chaque fois que la nature ou les hommes tentent de l'assassiner permet au héros de partager à la fois le monde des vivants et celui des morts, de continuer à percevoir la présence de sa femme mais d'abandonner à ceux qui restent le choix de sa vengeance. Reste que The Revenant n'ambitionne que d'être l'histoire de ces hommes, partis puiser et piller dans une nature nouvelle les biens bientôt exhibés à l'autre bout de la planète, et pour si peu d'avantages. Il puise ainsi dans les racines d'une Amérique rongée par la peur (celle de l'autre) et avide de conquête totale (terres, femmes, armes, argent…) mais sous emploie ses personnages indigènes comme le faisait déjà les premiers westerns, et ce malgré une relative variété de traitement d'un personnage à l'autre. L'indien reste malgré tout un faire-valoir pour permettre la progression morale ou active de l'histoire.

caesonia1
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le 27 mars 2016

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