The Room
3.6
The Room

Film de Tommy Wiseau (2003)

Oeuvre sincère ou nanard volontaire?

Devenu une référence chez les jeunes cinéphiles grâce au net où il a acquis le statut de meme, The Room est connu comme le "pire film de tous les temps" et Tommy Wiseau comme le Ed Wood des temps modernes. Sa notoriété ayant dépassé les cercles fermés des amateurs de nanards et de série Z, certaines répliques sont même devenues cultes : "You're tearing me appart Lisa!" "Oh hi doggie" "I did not hit her! I did not! Oh hi mark!" "You're just a chicken! cheep cheep cheep!" autant de répliques qui sont désormais sur les lèvres des spectateurs des séances de minuit et aussi sur toutes sortes d'objets de merchandising...
Et voilà même que la team Franco/Rogen a décidé de faire un film sur The Room et le fameux - et mystérieuw- Wiseau ! https://www.youtube.com/watch?v=mmk8lV2r2o4


C'est pourquoi, avant de voir le film on se demande s'il s'agit bien là d'une oeuvre sincère, d'une espèce de coup monté visant à faire connaitre son cynique auteur ou d'un film débutant qui aurait été victime d'une méchante hype exagératrice...
Dès l'ouverture du film on constate effectivement que tout est mauvais.Rien à sauver. A la technique, le cadre, l'éclairage, le grain de l'image, les mouvements de caméra hésitants, les plans fixes qui tremblent, les faux raccords, le montage foireux, le rythme étrange, la longueur des plans, les mauvaises incrustations, les répliques inaudibles, le doublage foireux donnent lieu à un résultat catastrophique. La direction d'acteurs sort clairement tout droit d'un cerveau malade, et les décors, les costumes, le maquillage et choix de mise en scène traduisent un mauvais goût au-delà du Réel. Mauvais goût qui atteint son apogée dans les nombreuses scènes de sexe interminables sur musique R'N'B.
Avec le scénario et ses enjeux, on frise le surréalisme. Lisa est une sorte de Succube machiavélique aux charmes irrésistibles qui cherche à faire du mal à son fiancé Johnny en le trompant avec son meilleur et en profitant de sa situation financière sans aucun scrupules.


Tout tout tout est raté. Mais ça va plus loin que ça.
The Room a bel et bien quelque chose de fascinant. D'abord parce qu'on a du mal à croire à ce à quoi on assiste... Et ceci est grandement dù à la présence de Wiseau lui-même. Cet homme a quelque chose d'inhumain. Un monstre tout droit sorti de l'Uncanny Valley. Son visage figé, son débit de parole unique, sa mâchoire dégoulinante, son corps et sa gestuelle d'iguane sous stéroïdes lui donnent l'air d'une intelligence artificielle cherchant à se faire passer un humain. Sans succès. En effet, est-il constamment complètement drogué ou mentalement handicapé ? En tout cas, il a en permanence l'air d'être en train de s'endormir.
Les dialogues on ne peut plus absurdes provoquent des fous rire incontrolables tant ils sont surprenants et percutants d'improbabilité.
Pour faire passer le temps, les hommes jouent au ballon et font du sport pendant que les femmes gloussent entre copines et font le ménage. Ils agissent de manière complètement incompréhensible, capables de se raviser, de se battre, de se réconcilier, de changer d'avis ou d'humeur plusieurs fois en une seule séquence ! Tous les personnages ont une psychologie d'enfant de 8 ans sexuellement actifs. Car oui, le sexe a son importance dans le film. Il est même la raison de toutes les discordes et l'obsession et l'origine du pouvoir de la sulfureuse Lisa.


The Room est une oeuvre fascinante car très surement sincère dans sa démarche. Il eut été impossible de créer un tel film avec de mauvaises intentions. Les décisions de mise en scène et de montage sont distinctement celles d'un véritable novice.
Et Tommy Wiseau est un personnage fascinant. Le voir jouer relève du happening tant il provoque la confusion. Tommy Wiseau est un personnage mystérieux. D'où vient-il? Qu'a-t-il fait auparavant? Que se passe-t-il dans sa tête? Il garde son passé secret et cultive le mystère autour de sa personne. Son rôle d'acteur et son ignorance interstellaire des techniques filmiques mais aussi de la psyché humaine projettent involontairement le film dans une dimension méta tant il est impossible d'assister au film sans penser à tout ce qui l'entoure et ce, au moment même du visionnage. Aujourd'hui il profite de son statut de star et donne des interviews à propos de The Room avec plaisir.


On ne s'ennuie pas une seconde devant The Room qui est un film réellement agréable à regarder et porteur d'une atmosphère dans laquelle il est vraiment confortable de se laisser aller. On rit fort, on est happé ... The Room n'est pas un nanar comme les autres. On le lance parce qu'il est nul mais on le regarde parce qu'on l'apprécie. C'est un bon film dont les maladresses qui relèvent de l'absurde touchent.


Si vous avez la flemme mais que vous êtes curieux, je vous conseille l'excellente critique humoristique du Nostalgia Critic The Room - Nostalgia Critic qui contient un max d'extraits.

ºOlivia
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le 27 juil. 2017

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