Dans le désert, personne ne vous entendra crier. Eric vient de se faire voler sa voiture et va rencontrer le frère du forban. Tous deux partent alors à sa recherche dans un monde apocalyptique où la crise a fait tout disparaître. Le commerce, les hommes, la civilisation.

Les dents pourries, des ongles noirs, la mâchoire de travers, Pattinson est méconnaissable en frangin arriéré mais attachant. Entamant sa mue grâce à Cronenberg en jouant dans Cosmopolis puis Maps to the Stars, sa métamorphose est aujourd'hui complète, l'homme est un acteur à part entière. Il n'est pas étonnant de voir en face de lui Guy Pearce, habitué des films post-apocalyptiques (La Route) ou appréciant particulièrement jouer des sociopathes allumés (Des hommes sans loi). Il tient tout simplement ici le film sur ses épaules en incarnant un pêcheur taciturne, un symbole d'humanité déchue.

Au cinéma, les récits les plus simples (Drive) sont souvent les plus riches. The Rover ne déroge pas à la règle avec une fable aussi rudimentaire que pessimiste. Quel est le premier conflit de l'humanité ? Le droit à la propriété, conduisant au meurtre. Avec ce postulat de départ (le vol d'une voiture), David Michôd présente une société individualiste vouée à l'échec et à l'autodestruction. Il est remarquable de voir un scénario d'une telle clairvoyance car tous les enjeux narratifs sont limpides alors que rien n'est vraiment expliqué. Idem pour cette musique tonitruante qui nous bouleverse à chaque instant tout en étant minimaliste.

Ce style épuré se sent dans tous les plans du cinéaste et même dans chacune de ses transitions. Ses splendides fondus enchaînés opérés sur ces personnages montrent que ces derniers ne font qu'un avec le décor : sec, vide, sans espoir. Nous savons que l'homme va disparaître, tout comme Eric. Ce protagoniste, lointain parent de personnage typiquement biblique, en a parfaitement conscience, d'où sa profonde fatalité. Malgré ses pêchés, un principe le régit encore et le pousse à avancer pour une dernière « mission » palpitante, au prix de n'importe quelle vie.

Le cinéma est un éternel recommencement. En 1979 sort Mad Max, grande dystopie sur un monde tombant en ruine. En 2014, The Rover fait son entrée. Même pitch, même territoire (l'Australie), même réussite.
Hugo_Harnois_Kr
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le 11 juin 2014

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Hugo Harnois

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