Fin de route pour l'Homme civilisé

De temps à autre, il y a des films qui divisent.
Des films capables d’envoûter aisément un spectateur mais également susceptibles d'ennuyer un autre.
The Rover fait un peu partie de ceux-là.


Je l'avoue, j'avais un peu d'appréhension à l'idée de visionner ce long-métrage.
Il faut dire que les critiques sur le dernier film de David Michôd n'ont pas été des plus tendres : artificiel, lent, ennuyeux, paresseux, incohérent et intellectuellement prétentieux (coucou Lucy) sont les principaux arguments des critiques négatives.
Pourtant, après visionnage je n'ai qu'une seule chose à dire : Quel putain de bon film !!
Si certains resteront de marbre devant The Rover, la faute à un rythme trop lent, j'ai ,pour ma part, été hypnotisé par l'ambiance et l'univers de cette œuvre vraiment peu commune.


En cette période sombre et agonisante où la poussière règne sans partage sur les routes d'une Australie moribonde en proie à l'anarchie, un homme vient de se faire voler la dernière chose qui le reliait à son ancienne vie : sa voiture
Bien décidé à la récupérer, il se lance sans hésiter à la poursuite des voleurs à travers un paysage australien empli de misère et de désolation où la loi n'a plus aucune signification et où la survie est et la seule préoccupation de ses habitants.


Juste avec la fameuse phrase d'ouverture « 10 ans après la chute » le visage vide et impassible de Guy Pearce et la séquence d'ouverture dans le bar asiatique, David Michôd arrive à instaurer une ambiance singulière et envoûtante mêlant avec brio western futuriste, post-apo minimaliste et drame social.


Via une mise en scène lente, posée et contemplative et par une narration intelligente, avare en dialogue, The Rover nous présente un futur aride et poussiéreux où la vie en société n'est plus qu'une vague idée, le reliquat d'une époque aujourd'hui révolue.
Un monde déclinant, d'une tristesse infinie, où l'Homme a réussi à détruire son propre passé tout en se montrant incapable de se tourner vers un quelconque avenir.
Un univers mourant à l'étrangeté accentuée par une bande sonore magistrale, percutante et franchement inaccoutumée.
Avec cette atmosphère brillante, singulière et pour le moins captivante , The Rover s’apparente à un film d'ambiance des plus réussis.


Le scénario quant à lui, s'avère simple et ne sert que de prétexte pour mettre en avant les deux protagonistes principaux du récit : Eric (Guy Pearce), l'homme taciturne, irascible et dépressif à la recherche de sa voiture et Ray (Robert Pattinson), le voleur simplet en manque de repères et inadapté à la vie sauvage.
Le film s'attarde sur le simulacre de relation qui se construit entre les deux personnages mais surtout sur leurs émotions et leurs sensibilités respectives.
The Rover est donc un film sur l'humain, sur les paradoxes qui ponctuent sa vie et sur ses motivations les plus primaires. Une réflexion froide et pessimiste digne des plus grandes œuvres d'anticipation.


Pour renforcer le propos et la cohérence de son univers, le cinéaste peut compter sur des acteurs vraiment investis : entre un Guy Pearce charismatique et angoissant qui tient peut-être là le meilleur rôle de sa carrière (ça doit être la barbe) et un jeune Robert Pattinson débrouillard et prometteur, le casting et un quasi-sans faute ! Même les personnages secondaires ne sont pas en reste avec des gueules cassées marquantes et à l'aspect décharné qui sied à merveille avec la tournure usée et à bout de souffle de l'univers.


Avec sa mise en scène contemplative belle à en pleurer, ses grands espaces australiens sauvages et fascinants, son contexte post-apo-western réussi, son casting de qualité, son ironie palpable et sa réflexion sur la psyché humaine, The Rover a été, pour le fan d'anticipation que je suis, une claque monumentale et un sacré coup de cœur !

Asarkias
8
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le 3 févr. 2015

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Asarkias

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