Aux grands mots les grands remèdes...

Difficile voir impossible de parler de The Tall man (The Secret, chez nous, allez savoir pourquoi ??) sans en déflorer un tant soit peu le récit et ses multiples rebondissement.
Il est probable en tout cas que ce nouveau film de Pascal Laugier, même s'il est globalement un peu décevant, réconcilie ses admirateurs et ses détracteurs...
En effet, il me semble que Laugier est, depuis le début un cinéaste sous estimé, mal compris, adulé pour de mauvaises raisons ou détesté pour pratiquement les mêmes raisons...

Ce film a au moins le mérite de clore un passionnant début de carrière et de marquer clairement l'heure des bilans...

De Saint-Ange, tout le monde a loué la maestria technique mais beaucoup ont n'y ont vu qu'un simple exercice de style, en forme d'hommage aux maitres - Bava, Argento, Fulci - ou au genre "Hantise" (La Maison du diable, etc...) sous-estimant la finesse du regard de Laugier sur ses personnages, ses velléités à faire des films posant de vraies questions, cherchant à faire sens...et ses ambitions stylistiques, en les réduisant à de l'esbroufe...
La fin du film, notamment, en a dérouté plus d'un et elle a même été sévèrement jugée, comme flirtant avec le ridicule, alors qu'elle n'était que la marque évidente d'un sérieuse audace et du gout pour les expériences borderline du cinéaste.
Il semble qu'avec le temps, le film se trouve de plus en plus réhabilité et il me parait aujourd'hui bien parti pour devenir un vrai classique du genre à la française...

Martyrs avait créé une vraie controverse et m'avait paru mal aimé autant par ses détracteurs que par ses adorateurs.
Les anti-Martyrs lui reprochant son extrémisme complaisant dans la violence, le changement de ton perpétuel du film (encore "l'exercice de style, esbroufe virtuose mais creuse") et le flou artistique entretenu par Laugier concernant le fond du film, les thématiques abordées et notamment celle de l'extase mystique des martyrs comme un parti pris jugé pour le moins radical en pleine vogue de "Torture porn"... Une fausse mauvaise odeur d’ambiguïté... Malentendu total

Les pro-Martyrs, louaient le film bien souvent pour les mêmes raisons, séduits par le jusqu'au-boutisme radical de la violence qui en ferait LE torture porn ultime (alors qu'il en est l'exact opposé...), épaté par le rythme et la virtuosité de la mise en scène (sans percevoir que ces changements de braquet réguliers proposaient chaque fois de nouvelles thématiques, jusqu'à une mise en abyme vertigineuse). Bref, beaucoup de ceux là n'aimaient le film que par sa radicalité formelle et thématique et n'y percevaient sans doute pas l'intelligence, la subversion et l'ambition tant formelle que thématique du film.

The Tall man décevra sans doute énormément les premiers car le film apparaît nettement plus "mainstream" dans son déroulement et il agacera sans doute les seconds, plus exigeants par le manque de subtilité du message délivré par le film.

En revanche, il est fort probable qu'il soit le film qui marque le premier grand succès public de Laugier car le film a tout pour cartonner.
A commencer par sa tête d'affiche, Jessica Biel, absolument remarquable et qui trouve là, sans doute, son premier VRAI grand rôle.
Elle est non seulement d'une beauté inédite (je ne l'avais jamais vu si naturelle et paradoxalement si sublime, même sérieusement amochée) mais elle permet au récit - un peu bancal - de tenir son cap jusqu'au dénouement.
Et tout le casting est au diapason, Laugier sait choisir ses acteurs et les diriger... Samantha Ferris, notamment est absolument remarquable !

Le sujet du film (en tous cas celui supposé avant de le voir...) de la disparition régulière de tous les enfants d'une petite ville devrait aussi captiver tant il touche à tant de faits divers qui interpellent tout le monde.
Enfin, sa dimension quasi-fantastique, en la personne du Tall Man, devrait achever d'attirer les amateurs de mystères...

Mais il m'est difficile de pousser plus avant mon analyse du film sans en dévoiler ne serait-ce qu'une partie...
Disons simplement que le film n'est, au final -comme les deux précédents - pas du tout ce dont il a l'air à priori et que sa forme (moins brillante et inventive que les deux précédents mais très honnête et vraiment efficace avec quelques grands moments) cette fois, n'élude en rien le message du film...

Pour ma part, hélas, justement, c'est un peu là que le bât blesse...
Non pas que le discours du film soit idiot ou inintéressant, loin de là... Il me semble simplement un peu plus "unilatéral" et sans doute surtout un peu trop appuyé...
Pour ceux qui ont vu le film, je dirais juste qu'il y a un regard caméra un peu lourdingue et un "right?" de trop, peut-être même deux... Un seul aurait suffit... sans que la jeune femme n'ait à nous interpeler du regard...
Je trouve que le film s'achève là avec de bien gros sabots sans doute pour éviter toute ambiguïté et toute polémique, ce qui est bien dommage car Martyrs savait parfaitement jongler avec la patate chaude de ses thématiques sans jamais chercher à nous mâcher le travail... Ni à nous servir une patate tiède... prête à penser...

Et c'est là le principal défaut de The Tall man...
Qu'il soit tiré par les cheveux n’apparaît finalement que peu, grâce au talent de conteur de Laugier et à l'efficacité de la mise en scène...
Mais ce qui aurait pu être une évocation poético-macabre façon Le joueur de flûte de Hamelin (que le film n'évoque jamais, mais auquel on pense forcément souvent) tourne un peu à la question philosophico-éthique... Thèse, antithèse, synthèse, conclusion et à toi de te questionner et de positionner maintenant cher spectateur.

Le film ni a démarche de Laugier n'en apparaissent pour autant cynique, malhonnête ou encore moins antipathique mais disons que cela manque de finesse et malgré tous les brouillage de piste du film, sa résolution lui fait rétroactivement perdre beaucoup de sa finesse et de son mystère...

D'où la déception, pour ma part, mais le fait évident qu'il s'adresse à un bien plus large public que celui des cinéphiles, des fantasticophiles ou des anthropocinéphages... Au grand public...

A lui de juger... désormais, le film sort début septembre et devrait - selon toute logique - rencontrer un beau succès (à l'échelle du genre, évidemment)... C'est d'ailleurs tout le mal que je lui souhaite.

En espérant que la critique ne l'égratigne pas trop, ce qui pourrait grandement lui nuire.
Et en souhaitant qu'il attire un autre public vers les deux premières œuvres de Pascal Laugier, qui après le formidable et mésestimé Saint-Ange et le génial Martyrs, impose avec ce Tall Man, malgré une certaine déception de ma part, qu'il est un cinéaste raide amoureux du genre et qui n'a sans doute pas fini de nous étonner.


PS: l'affiche française est absolument sublime contrairement à l'horrible affiche US, mais en revanche, The Tall man était un très beau titre, qui prenait en prime un beau double sens après visionnage du film alors que The Secret est un titre "franglais" complétement atterrant de connerie et absolument vide de sens... Décidément les mystères et "secrets" de la distribution en France sont impénétrables... Imbitables, même !
Foxart
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le 12 août 2014

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Foxart

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