The Sessions réconcilie avec la cérémonie des Oscars, du moins avec les films nominés. Cette cérémonie a malheureusement tendance à récompenser de plus en plus les films boursouflés, prétentieux et dont les réalisateurs excellent dans leur rôle de V.R.P. On n’est pas à proprement parler face à un film indépendant, pourtant The Sessions a un supplément d’âme que ne possèdent pas la plupart de ses concurrents présents à la cérémonie.

Mark est écrivain, journaliste et poète, à l’âge de six ans il a contracté la polio et vit depuis une grande partie de son existence dans un poumon d’acier, sorte d’énorme cercueil pour mort-vivant. De part son éducation religieuse et son statut de handicapé il n’a jamais eu accès, ni de près ni de loin, à des relations sexuelles. Un article qu’on lui propose d’écrire sur la sexualité des handicapés le pousse à faire le nécessaire pour connaître et découvrir le plaisir charnel. Spirituellement, il se fait aider par le père Brendan, sorte de confident tolérant, confesseur et conseiller tout à la fois. Physiquement, c’est à Cheryl qu’il fait appel, elle est auxiliaire de sexualité professionnelle auprès d’handicapés, charge à elle de faire découvrir l’amour physique à Mark. Le film va alors le suivre à la découverte du corps de Cheryl et de son propre corps, si difforme qu’il puisse être. On le suit à travers ses réussites, ses échecs, ses étonnements et ses interrogations. On le voit surtout à travers ses peurs, celles liées à la religion, au péché, surtout celles liées à sa peur de ne pas être à la hauteur, sa peur de ne pas être aussi « performant » qu’un valide.

C’est émotionnellement très fort et très juste, certains reprochent à ce film d’être trop clinique alors qu’il évite juste avec brio l’écueil du pathos. Tout est si subtil, si touchant et intelligemment écrit et décrit. On ne tombe jamais dans le vulgaire ou le graveleux, aucun tape-à-l’œil, aucun voyeurisme malgré de nombreuses scènes nues et suggestives. On est juste touché par cet homme, immobile sur son brancard et qui souhaite devenir un humain à part entière en découvrant les plaisirs de l’amour physique. La relation que Mark entretien avec Cheryl est formidablement traduite, son évolution vers quelque chose de plus sincère se fait en tout en douceur jusqu’à ce que l’aveu de leurs sentiments se révèle presque comme naturellement. Pour peu qu’on soit sensible, on pleure beaucoup et longtemps, surtout lors de la seconde partie du film, lorsque vient se moment où la vie semble vouloir faire preuve de toute la cruauté abjecte dont elle est capable avec nos deux personnages.

L’émotion qui transperce le spectateur doit beaucoup au formidable trio d’acteur qui habite le film. William H. Macy est comme toujours formidable et campe à merveille se prêtre prêt à tout entendre de la bouche de Mark, tous les détails les plus francs de sa découverte de la sexualité, même dans son église. John Hawkes et dans la parfaite lignée de ceux qui ont tenu ce genre de rôle, Daniel Day Lewis, Robert De Niro ou encore Dustin Hoffman, il tient à merveille un rôle à récompense. La vraie découverte (tardive il est vrai…) c’est Helen Hunt, jusqu’ici cantonnée au rôle de la copine sympathique et qui prend ici un risque énorme en seconde partie de carrière avec un rôle très dénudé et des scènes tout de même osées. Elle révèle un talent incroyable pour nouer les tripes du spectateur et lui transpercer le cœur d’émotions. L’avoir choisie est une trouvaille, cette une belle femme sans être une femme fatale, d’autres actrices, vêtues de sous-vêtements aurait donné au personnage un côté prostituée totalement déplacé. Helen Hunt est parfaitement bouleversante, mère, femme au foyer et éducatrice sexuelle, elle donne à son personnage de la force de caractère qui s’efface devant la force des sentiments.

The Sessions se prend en pleine figure, il frappe à l’estomac et donne l’impression d’étouffer sous de si vives émotions. On passe de l’amusement initial à la curiosité pour finir les larmes aux yeux, mis à genoux par l’injustice qui semble vouloir s’acharner sur l’un des plus faibles d’entre nous. La où Intouchables choisi la comédie, The Sessions choisi d’affronter franchement et sans détour, mais en y mettant les formes, un sujet délicat, celui des handicapés dans un monde fait pour les valides. La révulsion que l’on peut ressentir au début face au corps de Mark se transforme vite en ampathie et l’on se prend alors à rêver d’une société où le handicap ne serait plus une différence, un marquage au fer rouge. Nous risquons de rêver longtemps encore…
Jambalaya
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le 20 févr. 2013

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